Si vous avez manqué le début...
Voilà
un challenge d'envergure pour une critique de jeu : comment résumer une
oeuvre aussi dense que la Saga des "Xeno" ? Surtout quand celle-ci
se retrouve amputée de deux épisodes, faute de ventes. Originellement
prévue sur six chapitres, Xenosaga voit en effet sa fresque futuristo-métaphysique
se conclure avec ce 3e opus, "Also sprach Zaramachinchose". Faisons
un effort pour aider les nouveaux venus : nous sommes au 5e millénaire,
l'Humanité a colonisé l'espace et fait face aux Gnosis, mystérieux
monstres fantomatiques belliqueux. Notre fine équipe de héros
court toujours après l'énigmatique monolithe, nommé Zohar,
censé tout résoudre. Mais est-ce la solution ultime ?
Cela vous parait simpliste ? ajoutez des dizaines d'intervenants et de groupuscules
aux motivations inexpliquées, des centaines de concepts bizarroïdes
(voyages espace-temps dans les souvenirs, matériel militaire prenant
la forme de jeunes femmes fort accortes, esprits mystiques enfermés dans
des enfants-cyborgs), des milliers de lignes de dialogues (pas toujours utiles)
et vous comprendrez combien cette odyssée est complexe.
Xenosaga III s'ouvre quelque temps après les événements
relatés dans l'épisode II, alors que Shion, la scientifique au
centre de l'intrigue, a quitté la société Vector, son employeur
(qui gère l'U.M.D., l'Internet du futur). Elle entre en résistance
en intégrant le groupe Scientia, qui lutte contre l'U.M.D, utilisé
depuis peu par les Gnosis pour attaquer la population ! Mais qui contrôle
les Gnosis ? Qui est vraiment Nephilim, l'esprit qui apparaît régulièrement
et conseille Shion ? Quels lourds secrets cachent Vector Industries, la fondation
Kukai et l'organisation U-Tic ? Le fébrile Allen va-t-il finalement réussir
à coucher avec son ancienne chef, Shion ? Et surtout, pourquoi tous ces
titres en allemand ?!
On peut répondre à cette dernière question puisque parmi
les multiples inspirations des auteurs nippons, on trouve le philosophe allemand
Nietzsche et ses questions existentielles sur la nature humaine. Une dose de
thèmes récurrents dans la Japanime vient compléter ce scénario
d'envergure : qu'est-ce qui définit l'Humain, la morale, la conscience
? Doit-on opposer la science au mystique ? C'est sûr, ça change
un peu du scénar de Pacman ou des intrigues politico-sentimentales qu'on
nous sert habituellement dans les RPG Japonais ;-)
L'équipe au grand complet est bien sûr présente pour le
final, Junior, MOMO, Ziggy et consort, avec une pléthore de nouveaux
intervenants assez redoutables, en particulier l'arrivée d'une concurrente
sérieuse pour l'arme de destruction massive qu'est KOS-MOS. Les choses
se compliquent sérieusement (si ,si, c'est possible !) et celles et ceux
prenant le train en marche seront totalement largués dès le début
de l'aventure. Pour tout comprendre il faudra passer quelques heures à
se plonger dans la base de données incluse, une "Database"
recoupant toutes les informations disponibles sur l'univers du jeu, les lieux,
les gens, les objets, bref tout l'historique, la genèse complète
de Xenosaga. Cette masse colossale d'infos fait d'ailleurs l'objet d'une quête
dans le jeu puisque vous devez la compléter à 100% en fouinant
à droite et à gauche pour pécher des secrets, ceci afin
de gagner des items rares.
Derniers
travaux avant fermeture.
Après
un épisode II plutôt ambigu, où le scénario faisait
du surplace mais avec de bonnes idées de gameplay, Xeno III subit une
nouvelle refonte de ses différents systèmes de jeu et un léger
lifting graphique. Coté Combats, rien de bien révolutionnaire.
Vos adversaires sont toujours visibles dans les décors, une fois touché
on bascule en mode "fight" au tour par tour, en visualisant l'ordre
d'action des combattants. Terminé les zones d'attaque basses-moyennes-hautes,
les bonus aléatoires, la prise en compte de la position sur le champ
de bataille. Les auteurs reviennent à un classicisme efficace.
On retrouve une version allégée du "Boost", un compteur
qui s'incrémente à chaque coup porté. Il permet ensuite
d'activer des attaques spéciales ou de placer un perso en tête
de la file d'attente. Une autre jauge ("Break") se rempli à
chaque coup reçu par vos héros, et une fois celle-ci pleine le
perso devient incontrôlable pendant quelques tours. Evidemment vos ennemis
disposent des mêmes avantages et inconvénients. Petite nouveauté,
c'est à présent au joueur de placer et d'activer les pièges
("traps") dans le décor, ceci pour gagner divers avantages
avant un affrontement.
La bonne surprise vient des robots géants, les fameux E.S. Fini le sentiment
de piloter de gros escargots sans finesse, leur vitesse de déplacement
est largement augmentée et les options de combats aussi riches que les
batailles mano a mano. Au menu, double-attaques solo ou assistance en duo, et
jauge "Anima" (identique au "Boost" pour déclencher
des coups spéciaux). On y gagne franchement en dynamisme.
Coté magie et compétences les auteurs ont abandonné les
vastes choix du N°2, un peu bordéliques il faut l'avouer, pour offrir
deux chemins prédéfinis à chaque protagoniste. Au joueur
de dépenser ses points de skills comme il l'entend pour spécialiser
chaque combattant dans un rôle précis (attaquant, défenseur,
soigneur, etc). On peut modifier à tout moment la composition de son
groupe de trois persos pour s'adapter à la situation, car on retrouve
le classement des adversaires selon trois catégories (Gnosis, Bio et
Méca). Il faut donc utiliser des attaques spécifiques au bon moment
pour optimiser les dégâts infligés, et toujours faire attention
aux modifications de statut.
Graphiquement ce dernier épisode PS2 marque une petite évolution.
Sans atteindre la perfection d'autres titres, RPG ou non, Xenosaga III gagne
en finesse dans la représentation des personnages et en richesse pour
les décors. Le parti-pris des auteurs, améliorer la fluidité
du jeu, est visible dans le gameplay général. Par exemple la vitesse
de déplacement des robots, on l'a dit, mais aussi les dialogues "à
la volée" lors de la visite des divers lieux. Lorsqu'on s'approche
d'un personnage non-joueur, la discussion s'affiche en temps réel sans
qu'on est besoin de l'activer. Des mots-clés apparaissent parfois dans
la conversation, une pression sur le bouton "carré" permet
alors d'en savoir plus sur un sujet précis. Par contre on retombe dans
le souci majeur de la série depuis sa venue sur PS2 : un déséquilibre
flagrant entre les phases d'action, où le joueur intervient et participe,
et les phases de déroulement du scénario, lors desquelles on devient
simple spectateur de longues séquences d'explication de texte. C'est
ce qu'on appelle le "style Xenosaga", qui fera fuir certains à
coup sûr !
Est-ce
vraiment la fin ?
On
se souvient des mini-quêtes sympathiques de "bon samaritain"
dans Xeno 2. Elles allongeaient fort heureusement une durée de vie sinon
bien maigre. Dans le nouvel opus c'est un jeu totalement inédit et indépendant
de l'intrigue qui nous est proposé, sous la forme d'un puzzle-action,
le Hakox. Son principe est simple, rappelant un peu la vénérable
série des "Lemmings" : mener des personnages vers la sortie
en déplaçant des éléments du décor en 3D.
Si les premiers niveaux sont enfantins, on fait face par la suite à des
prises de tête mêlant réflexes et réflexion. Il faut
gérer plusieurs persos marchant toujours tout droit sur des chemins étroits,
et tombant dans le vide à la moindre occasion ! Au joueur de les bloquer,
leur faire sauter les obstacles, les détourner, chaque petit bonhomme
devant rejoindre une sortie précise sous peine d'un "Game over".
Hakox est un excellent passe-temps après une intense séance de
lecture de la Database ou une suite de révélations improbables
dans l'aventure.
Que les fans de la saga se rassurent, la chasse aux clés cachées
et aux portes dérobées est toujours de mise. Les célèbres
"Segment Files" sont donc de retour, avec comme d'habitude des compétences
uniques et des équipements rares en cadeau. Autre revenant attendu, tenant
compte des remarques des joueurs, l'équipe de développement a
étoffé la personnalisation des héros. C'est le grand retour
des magasins avec cinq emplacements pour habiller ses créatures et customiser
ses "Mechas", chouette !
Xenosaga continue de creuser son sillon, loin des productions classiques. Et
sa conclusion un peu brutale sur une PS2 en fin de parcours laisse présager
d'une éventuelle renaissance sur un support next-gen, ne serait-ce que
pour répondre aux questions laissées en suspens. Toutes les histoires
individuelles des différents acteurs, complexes et enchevêtrées
dans cette aventure de dimension épique, ne sont pas résolues,
parfois à dessein. On pourra reprocher à Xeno 3, comme pour d'autres
saga RPG à vrai dire (voir Suikoden V ou Kingdom Hearts II), sa trop
grande profusion de personnages étalée sur plusieurs épisodes.
Leur sortie étant éloigné d'un an ou deux, il est difficile
pour le joueur de replonger dans le bain et de se souvenir de toutes les subtilités
d'un scénario alambiqué. Imaginez par exemple que chaque épisode
de votre série TV favorite ne sorte qu'une fois par an, vous seriez complètement
paumé !
Certes, la présence dans cette mouture finale d'une Base de données
globale de la saga permet de se rafraîchir la mémoire immédiatement
en cas d'incompréhension. Mais un néophyte aura-t-il la patience
d'absorber ce flux continu d'infos ? En tout cas ce Xenosaga III version US
tombe à pic en cette fin d'été bien tristounette coté
RPG PS2. Finissez-le vite avant le débarquement des mastodontes Valkyrie
Profile II, Final Fantasy XII et Rogue Galaxy.