Un jeu... "différent"
Question
: quel est le point commun entre un ado New-yorkais amnésique, un couple
d'indiens court-vêtu, un pseudo-Ninja formé dans la jungle sud-américaine,
une chatte grassouillette qui parle -associée d'Al Capone-, une vampire
venue de l'espace et un guitariste au look mariachi ?
Réponse : Shadow Hearts 3, un sacré jeu ;-) Ajoutez à cela
que cette fine équipe vit dans l'amérique de 1929 et vous comprendrez
que "Shadow Hearts : From the New World" est définitivement
une production à part.
XSeed Games est le studio produisant le jeu, responsable du récent désastre
nommé "Wild ARMs 4", série dont ces auteurs avaient
ôté toute la substantifique moelle d'ambiance de Far West et rendu
le gameplay trop grand public. Autant dire que c'est avec un à priori
fort négatif que je m'apprêtais à fouler le sol de SH:ftNW.
Surtout lorsqu'on me refaisait le coup du jeune homme orphelin et amnésique
dès l'intro ! Mais quelques avis éclairés piochés
ça et là sur l'épisode précédent (qui m'avait
échappé, shame on me) ainsi qu'un manque cruel de nouveaux RPG
(ayant terminé Grandia III) me poussaient à tenter l'expérience.
L'épopée débute sur les chapeaux de roues. Johnny est un
garçon de 16 ans, vivant dans le New-York de la fin des années
20. Dans un tragique accident de voiture il a perdu père et soeur, ainsi
que des morceaux de sa mémoire. Malgré tout il dirige une agence
de détectives, dont il s'occupe avec son fidèle serviteur, l'ami
Lenny. Bref, Johnny-be-good est notre héros japonais de base. D'étranges
phénomènes surnaturels vont mener Jojo-la-frite vers son destin.
Cela commence par une sombre affaire commanditée par un personnage énigmatique,
et voila notre adolescent confronté soudainement à des
créatures monstrueuses apparaissant à travers des portails magiques
! Damned, notre blondinet est dans la mouise, son contact Gilbert est happé
par les démons. C'est à cet instant que la cavalerie arrive sous
la forme de Shania, une indienne décolorée dotée d'un 95C
avenant (avec des ailes dans le dos pour faire style). Elle est accompagnée
de Natan, un grand costaud genre "Sitting Bull" armé de deux
guns façon John Woo. Ca fout la trouille hein ? Accroche-toi public,
ce n'est pas fini ;-)
Dans la famille "Nos amis japonais fument du belge", je voudrais compléter
mon groupe de terreurs. Commençons par Frank-les-doigts-d'or, l'adepte
un brin mytho de Ninjutsu. Son accoutrement le classe immédiatement dans
la catégorie "Meilleur espoir" pour le prochain carnaval de
Rio. Son maître en arts martiaux est certainement le personnage le plus
barré que j'ai vu récemment dans un RPG : Mao, une chatte humanoïde
experte en "Drunken Fight" (littéralement "Combat Bourré").
Vous en voulez encore plus ?! Pas de problème vous recruterez aussi une
extra-terrestre vampire dont le vaisseau s'est crashé près de
Roswell et un pro de la guitare sèche. Dingue, non ?
En quelques heures vous parcourrez quelques sites célèbres des
états-unis, sauvant au passage Al Capone de la prison d'Alcatraz ou explorant
le centre d'étude des E.T., entre autres joyeusetés. La première
partie de l'aventure est donc un véritable régal, on navigue de
surprises débiles en découvertes toujours plus étonnantes.
Une avalanche de systèmes de jeu plus ou moins complexes enrobe ce vent
de folie. Voyons cela en détail.
La
Roue du Jugement !
Shadow
Hearts reste plutôt classique graphiquement, vos personnages sont en 3D
bien détaillée mais les décors restent "figés"
et sont en plus d'une taille très limitée. Impossible de changer
l'angle de caméra, les auteurs en profite par conséquent pour
planquer une foultitude d'objets dans les recoins ;-) Dans les zones dangereuses
on a droit aux combats aléatoires au tour par tour, sans qu'on puisse
les éviter de quelque manière que ce soit.
Comme à l'accoutumée vos persos sont définis par des caractéristiques
principales (Force, Intelligence, etc, vous les connaissez par coeur) et jauges
de vie et de magie. Mais ce qui pimente les affrontements dans SH3, c'est la
fameuse "Judgment Ring". Cette Roue du Jugement (en frenchy) est la
pierre angulaire chapeautant une large majorité de vos actions, non seulement
en combat mais pour d'autres mécaniques également. Après
que le joueur ait choisi le mouvement à effectuer (Attaque physique,
magie, compétence propre au perso, utilisation d'Items) un cercle apparaît
et une aiguille fait le tour du cadran. Selon diverses modalités des
zones colorées sont présentes sur la roue, et le joueur devra
valider le passage de l'aiguille dans chaque zone pour espérer que l'action
sélectionnée soit réalisée. Bref, le Ring demande
une bonne part de dextérité, rendant chaque bataille très
prenante. D'autant plus que vos adversaires ne se gênent pas pour vous
balancer des "anomalies" de Ring : vitesse accrue, taille diminuée,
etc. Chaque Roue est aussi entièrement customizable grâce à
divers objets, augmenter la taille des zones colorées, le nombre d'attaques
possible, ajouter des effets... C'est la folie !
Le nombre de possibilités en combat est proprement hallucinant. Les auteurs
se sont vraiment lâchés en piochant des idées à droite
et à gauche, offrant au final un vaste choix d'actions. On retrouve par
exemple une jauge de "Stock", comme dans la série Xenosaga,
qui se rempli pendant les fights pour offrir ensuite des enchaînements
: Double (deux actions consécutives pour un perso), Combo (deux persos
effectuent chacun une action à la suite) et même Double-Combo (combinaison
de Double et Combo, of course). S'il est suffisament habile sur la Roue du Jugement,
le joueur pourra enquiller les actions, accumulant au passage les bonus en dégats.
Une jauge de Santé (Sanity Points, SP) est également présente,
elle représente le moral et la santé mentale de vos petits protégés
et diminue à chaque action. Un perso ayant perdu tous ses SP sera tout
simplement incontrolable en combat, et ne gagnera aucuns points d'expérience
! Il existe aussi trois niveaux d'attaque différents, bas, moyen, haut.
Suivant le type d'ennemi rencontré vous devrez utiliser les coups physiques
ou les sorts adéquats, sous peine de faire louper systématiquement
(pas de coups hauts sur un monstre rampant par exemple).
Chaque perso dispose d'une compétence propre. Johnny possède par
exemple un appareil photo qu'il peut utiliser en combat pour découvrir
les stats et faiblesses d'un adversaire. De plus pendant le jeu un collectionneur
lui échangera ses clichés contre quelques objets rarissimes. Shania,
la pocahontas callipyge, peut quant à elle invoquer les esprits et se
transformer à loisir. On notera au passage que ses séquences de
métamorphose valent leur pesant de cacahuettes pour amateur de Hentaï
;-) Cependant pour trouver de nouveaux totems la bougresse devra préalablement
les affronter. Puis pour augmenter leur puissance Shania devra dépenser
des points de "Soul Energy", collectés automatiquement à
chaque combat. Nettement plus crétin mais bien poilant, Natan pourra
découvrir des attaques inédites de Gun-Fu en capturant des ennemis
spéciaux, grâce aux indications du chef du village et à
l'aide d'objets spécifiques (pot de miel, fruits secs, etc). Frank Goldfinger
devra examiner des éléments du décor pour en faire la lame
de son sabre. Ses deux premiers choix seront... un cactus puis un panneau d'arrêt
de bus ! Mao doit réaliser des "finish" sur les monstres en
combat pour ramasser les pièces de monnaie spéciales. Elle s'en
sert ensuite pour recruter des méchants dignes de figurer dans ses productions
hollywoodiennes, découvrant ainsi des techniques de "Drunken Fist"
! Son premier acteur ? Meowminator, parodie féline de Schwarzy ! 'arf
;-) Ils sont fous ces japonais.
Stellaire
et terre-à-terre
La
magie tient un rôle prépondérant dans les combats de Shadow
Hearts. Elle donne évidemment accès aux soins, attaques élémentaires
(Feu, Eau, Lumière, Ombre, etc) et modification de status (Poison, Paralysie,
modif du Ring, booster les caractéristiques, et tutti quanti). Vos héros
peuvent tous y accéder, à l'exception de Shania qui passe par
l'invocation d'Esprits. Ils doivent préalablement s'équiper d'une
grille nommée Stellar Chart, autrement dit un signe zodiacal, sur lequel
un certain nombre d'emplacements sont prévus pour y attacher des sorts.
On améliorera ensuite chaque magie en achetant divers bonus auprès
du marchand spécialisé : augmentation de l'efficacité,
diminution du coût en points de magie, etc.
Coté équipement chaque personnage peut se voir attribuer une arme,
une armure et trois accessoires. Pour améliorer tout ce petit bazar il
faudra faire appel à un couple de bikers homos. Oui, vous avez bien lu
;-) Ils tiennent leur boutique nommée "Just Us Guys" ("Réservé
aux garçons") sur leur moto Side-car ! Comme vous êtes un
séduisant jeune homme, ils vous offriront même des réductions
sur leurs articles si vous parvenez à déclencher la ristourne
après un passage sur le "Judgment Ring". Décidemment,
un jeu à part.
"Shadow Hearts : From the New World" n'est pas exempt de défauts,
loin s'en faut. Revenons d'abord sur les décors. L'exploration se limite
en général à quelques écrans avec des chemins très
balisés, et certains lieux sont relativement pauvres en détails
(notamment la prison d'alcatraz). On vous oblige à moult allers-retours
lors de la résolution des énigmes assez simplettes (trouver des
codes, des mots de passe, du calcul mental), avec heureusement une fréquence
de combats pas trop élevée. La carte du monde se contente de dévoiler
les villes et endroits visitables sans qu'on puisse quitter les sentiers battus.
En outre le scénario principal très sérieux ne semble pas
vraiment en adéquation avec la folie ambiante, pourquoi ne pas avoir
assumer la drôlerie des persos et des situations en faisant aussi partir
en sucette l'aventure ?
Malgré ses quelques points noirs je ne peux m'empêcher d'aimer
SH3. L'univers exploré est original, les années 20 aux USA avec
son ambiance vaguement mafieuse. Notre rôle de détective amateur
nous fait visiter Hollywood, Las Vegas ou Chicago. Les affrontements sont funs
et tactiques, avec cette petite touche de dextérité sur la Roue
obligeant à être constamment concentré sur la bataille.
Avec sept persos jouables au compteur, chacun trouvera ses chouchous et exploitera
leurs capacités incongrues avec délectation. Le nombre de quêtes
optionnelles est dantesque, ne serait-ce que pour trouver toutes les compétences
de vos héros, avec cette touche de second degré qui sauve tout.
On peut aussi participer à une loterie pour peu qu'on trouve les billets,
rencontrer le professeur Lovecraft (!) qui donne accès à une arène
de monstres, ou encore consulter ses données de jeu hyper-détaillées
(avec commentaires sarcastiques des auteurs sur vos performances).
Les cinématiques, qu'elles soient en synthèse ou avec le moteur
du jeu, sont bien réalisées et pêchues, et jamais trop longues
fort heureusement. Il y a constamment des clins d'oeil réjouissants,
les réactions théatrales de Frank le Ninja, les appétits
soudains de Hilda la Draculette, et souvent même on se moque de quelques
clichés du RPG (on vous propose par exemple de renommer un des personnages
rencontrés, avant que ce dernier ne choisisse finalement lui-même
son patronyme ;-). Quelques audaces bienvenues dans l'univers aseptisé
des jeux vidéo feront sourire les joueurs matures, la caricature des
deux gays moustachus habillés tout en cuir vous rappelera à coup
sûr les clips des Village People ;-) Musicalement SH3 n'est pas en reste,
il sort des musiques symphoniques qu'on entend habituellement dans ce genre
de production et s'aventure dans des styles plus occidentaux.
L'histoire principale de "From the New World" possède une durée
de vie moyenne, une trentaine d'heures. Mais contrairement aux productions récentes
sur PS2 l'amateur de découvertes prendra ici plaisir à quitter
la trame du scénario pour revenir dans les lieux déjà explorés
et trouver tous les bonus cachés. Encore une fois le délire va
très loin dans ce domaine et réclame d'y consacrer beaucoup de
temps. En conséquence, Shadow Hearts 3 fête sa différence
et c'est tant mieux !

Jeu fini:
Comptez entre 40 et 50 heures de jeu pour finir ce SH3, suivant vos envies d'exploration
et de découverte des capacités poilantes de vos compagnons. Le
seul point noir du jeu vient de sa trame principale, trop classique et manquant
singulièrement de folie par rapport à l'environnement général
de Shadow Hearts. La fin est assez abrupte d'ailleurs, prouvant que les auteurs
se sont concentré sur les bonus délirants dans les compétences
des persos plutôt que sur le scénario.
SH3 est donc vraiment un
jeu fun (beaucoup de revisites de lieux déjà explorés),
avec un système de combat génial regroupant toutes les idées
qui traînent dans le genre depuis quelques années. Il évite
le syndrôme FF10 et ses mini-quêtes pour autistes (faire 200 fois
la même chose pour obtenir une arme ultime, beurk). C'est pour moi la
surprise de cette première moitié de l'année 2006 (inculte
que je suis je ne connaissais pas cette série !), à tel point
qu'il m'a donné envie de me procurer l'opus précédent,
"Shadow Hearts II: Covenant".