Le Guide Princier

Les Albums de Prince qu'il faut avoir quand on est un(e) esthète


Mise à jour : 17 mars 2019


Sommaire

I) Un peu d'histoire
Les ères Princières

II) Albums Indispensables
Prince (1979)
Purple Rain (1984)
Sign 'o' the times (1987)
LoveSymbol (1992)
Emancipation (1996)
The Rainbow Children (2001)
LotusFlow3r (2009)
Art Official Age (2014)

III) Trésors cachés
Dirty Mind (1980)
Controversy (1981)
1999 (1982)
Around the World in a Day (1985)
Parade (1986)
The Black Album (1987/1994)
Lovesexy (1988)
The Gold Experience (1995)
Exodus (NPG) (1995)
The Truth (1998)
PlectrumElectrum (3rdEyeGirl) (2014)

IV) Face B, Remixes, Prod pour Muses & Inédits planqués dans les Internets
Officiel (c'est-à-dire Légal) :
Les vrais débuts
Les titres hors-albums
Les perles dans les albums à oublier
Les Hits donnés à d'autres
Les chansons du Web
Versions remaniées
Sur petit et grand écran

Officieux (d'après ce que m'a dit ma concierge) :
En Studio (aka "The Vault")
En Concert (Audio et Vidéo)





Bienvenue à toi, petit être perdu dans le grand rien de la toile mondiale.
Ton moteur de recherche t'a mené jusqu'ici, au hasard de tes clics et tes claques.
Peut-être cherchais-tu le Prince qu'on appelle Charles, ou celui qui vient de Bel-Air ? Sans doute voulais-tu obtenir des renseignements sur des biscuits chocolatés royaux de marque Lu ? Ou plus simplement souhaitais-tu savoir qui a écrit "Le Petit Prince" ? (je vais t'aider : c'est Antoine de Saint-Exupéry. Adieu !).
Hélas pour toi, tu ne trouveras ici aucune information concernant ces sujets.

Cette page est dédiée au chanteur nommé Prince, plus précisément à son œuvre discographique. Une œuvre, oui, comme on peut parler d'une cathédrale construite en 100 ans, d'un tableau peint par un maître, du cassoulet mijoté par mère-grand. Une œuvre immense, qui grandit encore et toujours. Tellement gigantesque qu'elle nécessite un Guide. Et ce Guide, frêle créature surfeuse, tu le lis présentement.

Tu l'as deviné, ce texte est écrit par un Fan. Aveuglé par ce soleil éblouissant autour duquel il gravite depuis des décennies sans jamais s'en approcher, ce fan -ton serviteur- n'a cessé d'avaler par l'oreille les décibelles célestes déversées par l'artiste.
Adolescent j'ai claqué ma monnaie pour avoir tout de lui, des disques qu'on appelait vyniles, des cassettes presque inaudibles échangées dans la cours du lycée, mon tout premier CD. J'ai parcouru le monde depuis mon canapé chaussé d'un simple casque audio relié à ma chaine Hi Fi, à la recherche d'une note de musique invisible aux autres. J'ai analysé, disséqué, réécouté. J'ai grandi, je suis parti dans d'autres univers.
Pour chaque fois revenir vers ses chansons.

Pour autant je ne tenterai pas ici de convertir qui que ce soit. Fan mais pas fanatique. Il ne s'agit pas de convaincre, simplement de poser des mots sur une passion. Je ne suis pas monomaniaque car mes biblio/disco/dvd-thèques sont remplies d'autres choses, je ne m'habille pas comme mon idole car je ne suis pas Prince (et en plus, je ne rentre pas dans du 36), je ne collectionne pas les boîtes de camembert à son effigie car les objets qui vous appartiennent finissent par vous posséder, je ne tente pas de suivre ses préceptes religieux foireux car Dieu n'est qu'une hypothèse. A bas les sermons, vive la musique !



Mais qui est Prince ?
Mon dictionnaire indique 13 synonymes allant de Dauphin à Seigneur, aucun ne correspond. L'entité Prince est née quelque part entre une enfance confrontée au divorce de ses parents et une adolescence consacrée au triptyque musique-religion-filles. Il va traverser ainsi les années 70, remplir ses bagages de concerts de James Brown, d'albums de Stevie Wonder et de posters d'Hendrix. Ses premiers pas sur scène parfois dos au public, hésitant encore mais déjà obsédé par le contrôle.
De là une volonté naîtra, qui le mènera jusqu'à ce fameux jour du 7 avril 1978 où son premier 33 tours sort à deux mois de ses 20 ans.

Ce guide va s'attacher avant tout à décrire l'œuvre Princière à travers de modestes critiques d'albums. Il est destiné aux quadras voyant Prince comme un has-been disparu de la circulation depuis Purple Rain, aux trentenaires ayant découvert l'artiste en concert il y a quelques années, aux ados qui se demandent qui était ce vieux bizarre à coté de Beyoncé aux Grammy Awards.
Nous commencerons notre périple depuis le sommet de la montagne par les albums indispensables. Puis nous pénétrerons à l'intérieur du massif, empruntant une galerie souterraine qui nous ménera jusqu'à la salle aux trésors, les albums plus intimistes. Enfin nous creuserons plus encore en profondeur vers le centre de la terre, au cœur du magma Princier, les albums pirates, les Live, les aftershows, l'antre du Vault de Minneapolis.



I) Un peu d'histoire

Le petit Prince Rogers Nelson (1,57m sans ses talonnettes) est né le 7 Juin 1958 à Minneapolis d'un père pianiste et d'une mère chanteuse. Dans les années 70 Prince étudie la musique à l'école et c'est en 1973 qu'il monte son premier groupe. Reprenant la plupart du temps les grands standards américains en version instrumentale (Brown, Hendrix, Santana, etc) le groupe ne tarde pas à composer des titres originaux et Prince se met au chant.
Le groupe évolue pour enregistrer début 1976 ses premières démos en studio. Cette même année la première interview de Prince est publiée dans le journal local de Minneapolis. On peut déjà voir sur la photo qu'il n'aime pas ça ! Pendant l'été 76 Prince part pour New-York pour démarcher les maisons de disques. Devant le refus de Prince de céder ses créations (en clair : perdre ses droits sur ses oeuvres) il repartira les mains vides.
Grâce aux nombreuses répétitions Prince peaufine ses propres chansons et c'est durant l'été 77 qu'il signe avec Warner Bros Records son premier contrat pour trois Albums avec le titre d'Auteur-Compositeur-Interprète. Le 7 Avril 1978 le premier album de Prince, "For You", sort aux USA.

On distingue plusieurs périodes Princières qui correspondent à l'évolution artistique de l'artiste. Chacune d'elle est marquée par un genre musical particulier ou par le groupe de musiciens qui l'accompagne.



1978-1983 : MINNEAPOLIS FUNK

I just can't believe
all the things people say
Am I black or white,
Am I straight or gay?
(Controversy)


De l'album "For You" à "1999" l'artiste fait naître et évoluer son personnage. D'abord éclos dans les ballades romantiques langoureuses du premier album, le vernis respectable commence à se craqueler dès l'album "Prince" de 1979 pour exploser les compteurs dans "Dirty Mind" et "controversy". La recette ? beaucoup de provocation avec des textes et des attitudes scéniques à haute teneur en sex-appeal. Second ingrédient : une volonté de métissage avec un groupe composé de femmes et d'hommes d'horizons contrastés. L'équilibre parfait sera atteint sur l'album "1999", sorti en 1982. En six années, parti de son Minneapolis natal pour maintes tournées qui le font connaître à travers les USA, porté par quelques scandales et déjà plusieurs succès, Prince atteint le statut de curiosité sulfureuse dans son pays.



1984-1988 : LES CLASSIQUES

- Is the water warm enough?
- Yes Lisa.
- Shall we begin?
- Yes Lisa.
(Computer Blue)

Le règne incontestable de Sa Majesté débute avec l'incontournable "Purple Rain", atteint son firmament avec le mirifique "Sign 'O' the Times" et s'achève par une crise mystique qui le pousse à abandonner son projet "Black Album" au profit de "LoveSexy". Prince et son groupe "The Revolution" deviennent l'attraction mondiale de 1984 avec l'épopée Rock "Purple Rain" (en Studio, en Live et en Film). L'âge d'or se prolonge avec les concept-albums "Around the World in a Day" et "Parade", qui consacrent et confirment le phénomène au niveau international. La légende s'écrit sur "Sign 'O' the Times", Pop-Rock en état de plénitude absolue, puis avec les pôles opposés Black Album/LoveSexy. Le premier, bouillonnant brulot s'adressant directement à la communauté noire-américaine (on l'accusait alors d'avoir perdu contact avec ses racines), est un Jazz-Rap Funky dantesque et sombre, brut de fonderie. Sa sortie officielle est annulée par Prince lui-même. Son contrepoint arrive quelques mois plus tard, sous la forme d'un trip Pop orchestrale étincelant et complexe dans lequel chaque texte parle du Divin.



1989-1994 : POP COMMERCIALE

Which way do I turn
when I'm feeling lost?
If I sell my soul,
now what will it cost?
(The question of U)

Prince orchestre son retour vers le grand public avec la simpliste mais efficace B.O. du film "Batman" en 1989. L'année suivante il tentera de revenir à une formule plus complexe avec Graffiti Bridge mais l'échec commercial du film qui l'accompagne le pousse à produire des albums de plus en plus "commerciaux" (Diamonds and Pearls, Love Symbol, un Best-Of). Ce son Pop-Rock avec quelques tentatives pour se "raccrocher aux wagons" du Hip-Hop et du Rap, devenus culture dominante au début des 90's, prouve que Prince ne créé plus les modes mais s'en inspire pour produire des albums parfaitement maîtrisés. L'album "Come" de 1994 marque la fin des relations de Prince avec sa maison de disques historique Warner Bros et le début d'un combat de l'artiste pour se libérer du carcan de l'industrie.



1995-2000 : THE ARTIST versus WARNER

This ain't about this,
that, what, where or how
This about the freaks
doing everything they wanna do now
(Now)

Deux carrières parallèles débutent. D'un coté Warner Bros. conserve la "marque" Prince et produit des albums en son nom : la sortie officielle du "Black Album" de 1987, le retour au Rock basique "Chaos and Disorder", l'assemblage hétéroclite de fonds de tiroirs "The Vault - Old friends 4 sale".
Pendant ce temps "The Artist Formely Known as Prince" ( O(+> pour les intimes) s'illustre en Live et sème quelques pépites en Studio comme "The Gold Experience" ou "Emancipation", un triple album malheureusement éclipsé par sa communication fumeuse envers l'industrie du disque, où l'artiste se compare à un esclave (une attitude limite dans un pays comme les USA).
Prince profite du conflit pour sortir trois albums sous le nom de son groupe, les N.P.G., dont l'excellent "Exodus" en 1995.
En 1998 il sort lui aussi une compilation d'anciens titres, autrement plus aguichante que le "Vault" de Warner et distribuée par le biais d'Internet. Nommé "Crystal Ball" et complété par un succulent album acoustique et un oubliable façon "musique Classique", le quintuple-CD survole une période allant du milieu des 80's à 1996.
La tentative de come-back fracassant en 1999 se traduit par un bide commercial et artistique nommé "Rave un2 the Joy fantastic". On y voit The Artist tenter un retour à la manière de Tom Jones (album de duos et de guests) mais aucun titre ne soulève l'enthousiasme. La farce va jusqu'à sortir l'album sous le nom "O(+>" mais produit par "Prince", bonjour le schizo !



2001-2008 : RETOUR AU REEL, LIVE!

They try to tell us what we want,
what to believe
Didn't that happen in the Garden
when somebody spoke to Eve?
(The Work, pt. 1)

Fin 2001 Prince reprend (enfin) son nom d'origine et sort un superbe album aux influences Jazz nommé "The Rainbow Children". La production est de nouveau inspirée, fruit d'un retour aux valeurs sûres. L'homme ne jure plus que par la recherche d'authenticité ("Real music by real musicians !" scande-t-il lors de ses concerts "One Nite Alone" en 2002-2003), oubliant au passage que nombre de ses albums précédents étaient issus de nuits entières de bidouillage électronique en studio. Il pousse ses recherches Jazzy au cours de l'année 2003 avec deux nouveaux albums d'instrumentaux nommés "Xpectation" et "N.E.W.S".
Par la suite la trilogie des albums R&B "Musicology" - "3121" - "Planet Earth" reste décevante mais sur le plan des Live c'est un véritable festival. Des tournées partout dans le monde, une série de concerts à Las Vegas, 21 dates mythiques à l'O2 de Londres, des shows gigantesques faisant la part belle aux Hits intemporels, suivis d'Aftershows laissant la place aux raretés et aux réinventions génialissimes, pour les fanatiques c'est le panard total. Deux documents permettent d'en capter l'essence, le triple "One Nite Alone Live !" et "Indigo Night", CD accompagnant le recueil de photos de la tournée Londonienne "21 Nights".



2009-2013 : NOSTALGIE

Every once in awhile,
you need some ol' skool company
Somebody that appreciates a sexy groove
and an old school melody
(Ol' Skool Company)

Le triple CD LotusFlow3r marque un changement de cap dans la production Studio de Prince. Avec un premier CD lorgnant vers l'ambiance Jazzy de "Rainbow Children" et beaucoup de réminiscences de ses anciens titres Rock, un second (MPLSound) plongeant dans les sonorités R&B Funk Princières des 80's et un dernier CD de Ballades consensuelles en guise de cadeau-bonus, l'artiste nous offre un retour vers le futur à sa façon. Il revisite l'époque de ses Classiques. L'album 20Ten (de 2010, oeuf corse), prolonge le style rétro-futuriste abordé avec MPLSound. On commence à trouver la visite du musée un peu longuette. Les bouleversements dans l'industrie du disque engendrés par l'Internet obligent Prince à chercher de nouvelles solutions de distribution (par la presse, avec les tickets de concerts, etc.). Il marque une pause dans ses sorties d'albums.
Si au niveau artistique Prince stagne, coté business ses apparitions Live drainent toujours une foule d'amateurs de shows parfaitement troussés. Il maintient le contact en utilisant les nouveaux outils de communication du Web via Facebook ou d'éphémères sites comme 3rdEyeGirl.



2014-2016 : SANG NEUF ET DERNIERS ALBUMS

In this brand new age
we do everything quick, fast, in a hurry
All of our life's a stage,
everybody's a star, reality's so blurry
(Clouds)

L'année 2014 marque le retour gagnant de Prince avec deux albums Studio réussis sortis simultanément : Art Official Age et PlectrumElectrum. Après 4 années d'absence dans les bacs, situation inédite dans sa carrière, l'Artiste retrouve l'inspiration en s'alliant (enfin !) avec un jeune producteur (Joshua Welton) et en constituant autour de lui un Power Trio nommé 3rd Eye Girl (Donna Grantis, Hannah Welton, Ida Nielsen).
L'année suivante il sort deux albums diamétralement opposés : Hit'n'Run - Phase One, contenant des remix de titres de "Art Official Age" et des inédits R&B électro, et Hit'n'Run - Phase Two, plus classiquement Funk, Rock et Jazz.

Prince nous quitte le 21 avril 2016, à 57 ans.




II) Albums INDISPENSABLES

Difficile de conseiller un néophyte, surtout avec un Artiste aussi prolifique que Prince. Sur une carrière commencée en 1978, c'est un des rares à avoir sorti quasiment un album par an, parfois double ou triple, tout en produisant continuellement d'autres artistes. Si vous comptez les innombrables Lives, Aftershows, Répétitions, Soundchecks et autres Démos qui traînent chez les bootleggers, vous arrivez à un total phénoménal de plusieurs centaines de CD ! Prince a d'ailleurs souvent décrit cette étonnante capacité à "faire de la musique" comme une malédiction.
Les Albums ci-dessous représentent à mon avis une bonne vue d'ensemble et couvrent tous les styles et les époques traversées par Prince. Ce sont des points de repères importants dans sa carrière, tour à tour solo ou en groupe avec "The Revolution" ou "New Power Generation" (dont les musiciens changent régulièrement), et avec ou sans le nom de Prince.

Les débuts Funk : Prince (1979)
Un an après la sortie de son premier album, "For you", Prince est déjà prêt pour sa suite. L'Album "Prince", son deuxième donc, sort aux USA en Octobre 1979. L'artiste y mêle un titre Rock au Funk typé Disco qui a fait le succès d'estime du précédent opus.

Fin des années 70 oblige, l'ambiance est au synthé en folie et à la rythmique en boite. Basique, me direz-vous ? Certes. Mais le jeune homme de 21 ans, déjà "vendu" par sa maison de disques comme le petit génie multi-instrumentiste auteur-compositeur-interprète, affine son sens de la mélodie. Cela donne les ballades Funky très accrocheuses "I Wanna be Your Lover", "Why you wanna treat me so Bad ?" et "I Feel for You". Si on ajoute "Sexy Dancer", calibré pour les discothèques, le style Princier prend forme. C'est sans doute pour cela que l'album porte le nom de son créateur, comme une pierre blanche indiquant la véritable date de naissance artistique de l'entité "Prince". Une large dose de drague ("I wanna be your lover, I wanna turn you on, turn you out, all night long make you shout") et un peu de sincérité ("why you wanna treat me so bad when you know I love you? you know I try so hard to keep you satisfied").
En un titre, le seul à tonalité Rock, il marque le début de la construction de son personnage ambigu qui joue la provoc. "Bambi", dans lequel il déclare sa flamme à une lesbienne, est ambivalent. Au premier degré le texte de la chanson est limite homophobe ("Can't you understand ? it's better with a man !", "I know what you need, maybe you need to bleed", de quoi faire hurler nos amies lesbos). Mais le reste des paroles montre un homme amoureux que ses sentiments poussent aux excès de langages.
Par ailleurs on retrouve quelques bribes de cette pulsion sexuelle sous-jacente dans le titre le plus mièvre de l'album, "When we're dancing close and slow" ("I want to come inside of you", bonjour la poésie !).

Mais le thème central de l'album se focalise sur l'amoureux transi, éconduit par une belle (ou un beau ?). Plusieurs titres ne sont que de longues complaintes mielleuses ("Still waiting", "It's gonna be lonely", "With you"). On bascule parfois dans des caricatures de Slows, "je suis seul au monde sans toi", "tenons-nous la main", "dansons collé-serré". Le fait que toutes les chansons soient interprétées avec sa voix haute (voix de fausset) brouille son image. Toutes ces envolées lyriques sucrées, cette voix à la Bee Gees, cette posture de post-adolescent plaintif, il est homo ou pas, le gars ?
Prince n'est pas prêt pour les sujets de société, la politique, ou la protest song, il reste engoncé dans sa vision romantique, hors du réel. La pochette de l'album le présente torse nu, permanenté façon Sitcom, avec un petit coeur rose sur le i de Prince (comme c'est trognon !). Dans le livret on le voit chevaucher, nu, un pégase (ne riez pas !). Le jeune homme aurait pourtant des choses à dire, enfant noir-américain, chétif, dans une famille recomposée de la banlieue de Minneapolis. Mais ce n'est pas encore l'heure.

L'album "Prince" est une production sage, sans originalité, mais qui marque le début de la lente progression artistique d'un garçon qui marquera l'Histoire de la musique moderne. Tout le potentiel est là, ainsi que ses futures obsessions, en gestation.

I Wanna be your Lover
Why you wanna Treat me So Bad ?
Sexy Dancer
When we're dancing Close and Slow
With You
Bambi
Still Waiting
I Feel for You
It's gonna be Lonely



Le Choc Rock : Purple Rain (1984)
1984 est incontestablement l'Année Prince. Sa frénésie créative lui fait déjà composer des albums entiers pour d'autres groupes qu'il contrôle sous pseudonymes : Sheila E, The Time, Vanity 6, The Family. Mais cela n'est pas assez pour le bouillonnant pygmalion.
Accompagné de son groupe qu'il nomme "The Revolution", Prince entreprend un projet de film musical. Remaniant un scénario qu'on lui a proposé, il écrit sa légende, celle du Kid de Minneapolis, Rock-Star faisant face à ses problèmes sentimentaux, familiaux et professionnels. Dans "Purple Rain" il n'est pas question de bacchanales en coulisse, ni de dope dans les chambres d'hôtel, mais plutôt de compétition acharnée pour être le number one sur scène, tout en gérant les amours contrariées et un père violent.

Le film et sa B.O. sont indissociables, d'abord parce chaque titre est intégré in extenso et raconte une histoire. Musicalement c'est à la fois une synthèse de tout ce qu'à construit l'artiste jusqu'alors et une réinvention complète de son oeuvre, puisqu'il s'ouvre totalement au mainstream en produisant un album 100% Rock, plus à même de satisfaire le grand public.

S'ouvrant sur un orgue cathédralien avec la voix céleste du Prêcheur Nelson, l'éternel "Let's go crazy" annonce clairement la couleur. Mêlant sa science de la rythmique Funky aux solos de guitares Rock extatiques façon Guitar Hero, Prince n'est plus de cet univers. Se recentrant sur l'efficace il renonce aux longues plages instrumentale qu'il privilégiait dans sa précédente production, "1999". Cela donne l'énergique "Baby I'm A Star", qui nous dépeint un Prince à l'ego sur-dimensionné (en doutait-on ?), en auto-pilote vers la gloire mondiale ("I don't want to stop, 'til I reach the top").
Les compositions gagnent en précision, plus courtes donc, et surtout les structures sont denses, se focalisent sur l'essentiel, les harmonies se font plus complexes. Prince franchit clairement un nouveau palier avec cet album, sans doute influencé par les personnalités qui l'entoure, Wendy et Lisa, Matt Fink, Brown Mark et Bobby Z, musiciens hors-pair qui forment "The Revolution".

Le reste du monde découvre l'artiste avec "When Doves Cry", titre studio hallucinant dans lequel toutes les structures classiques sont décalées : pas de ligne de basse, rythmique hypnotique hyper-travaillée, sonorités inédites (ah! cette voix de rasoir en intro !). En avoir fait un Hit planétaire est déjà un exploit. Notre homme se questionne sur sa relation amoureuse compliquée, dans une supplique torturée où il cherche les raisons psychologiques à l'échec de sa romance avec sa dulcinée : est-ce à cause d'un père trop exigeant et d'une mère toujours insatisfaite ?
Il n'abandonne pas ses pulsions et choque de nouveau l'Amérique avec le titre puissamment sexuel "Darling Nikki", qui se masturbe avec des magazines et qui arrive a laisser Monsieur tout pantois après une nuit en sa compagnie ("I can't tell u what she did 2 me, But my body will never be the same"), quel exploit ! La chaude Nikki est l'apothéose de cinq années de compos lubriques et représente son aboutissement ultime en la matière. Musicalement, Prince ne proposera plus rien d'aussi brutalement dépravé par la suite (pour les paroles, rassurez-vous il fera encore pire ;-).
Le dantesque "Computer Blue", couronnement électro-rock après des années d'expérimentations réussies (de "Annie Christian" à "Automatic"), s'ouvre sur un dialogue illuminé entre Wendy (Guitariste) et Lisa (Clavier) : "Is the water warm enough ? Shall we begin ?". S'ensuit un déferlement où la fureur du Kid explose dans sa poursuite d'un amour fuyant toujours ("where is my love life? where has it gone?"). Malheureusement le titre est tronqué sur l'album, afin d'y glisser en dernière minute le slow gentillet "Take me with U". Nos amis pirates auront tôt fait de mettre à disposition la vraie version de "Computer Blue", étalant sa rage sur douze minutes (et on attend toujours aujourd'hui son hypothétique sortie officielle). La version longue étoffe grandement les paroles, un Prince ravagé émotionnellement s'adresse à son père et recherche "l'aube" dans la nuit, perdu dans des dédales nommés "Peur", "Luxure" ou "Douleur".

Les ballades aussi bénéficient d'une sophistication innovante. "The beautiful Ones", dans laquelle Prince cesse d'être ce dragueur arrogant pour se mettre à genou devant sa promise hésitante, et le mystique "I would die 4 U" où il polit son personnage androgyne en figure Christique ("I'm not a woman, I'm not a man, I'm something that you'll never understand", on est bien avancé).
Et puis il y a "Purple Rain", devenu depuis le cantique quasi-obligatoire de tous ses concerts, LE classique romantique avec sa partie instrumentale étirée d'une longue plainte qui fond sur un lit de violons. Il résume la thématique générale de l'album, la rupture sentimentale. Dans cette conclusion il "dépose les armes" et souhaite rester ami avec son ex : "I never wanted 2 be your week-end lover, I only wanted 2 be some kind of friend".

Il souffle un esprit winner 80's euphorique sur toute la production Purple-esque, Prince est l'artiste le plus excitant de l'année, il devient l'attraction centrale du public et des médias. Cet album est évidemment son plus gros carton commercial, encore aujourd'hui il ne l'a jamais égalé en terme de ventes, et marque un tournant dans sa carrière en l'installant comme Star internationale.
Et pourtant, ce n'est que le début...

Let's go Crazy
Take me with U
The Beautiful Ones
Computer Blue
Darling Nikki
When Doves Cry
I would Die 4 U
Baby I'm a Star
Purple Rain


Le Grand Classique : Sign 'O' the Times (1987)
Après l'annonce officielle de la fin de son groupe "The Revolution", Prince garde une cadence effrénée de production durant l'année 1987. Il compose et arrange tous les titres des nouveaux albums pour d'autres artistes (Sheila E. et Jill Jones) et est co-auteur de deux albums Jazz avec son ami Eric Leeds sous le nom de groupe Madhouse ("8" et "16"). L'inspiration ne semble jamais se tarir puisque l'artiste projette pour lui-même la gestation de divers albums simples (sous le pseudo Camille), doubles ("Dream Factory") ou triple ("Crystal Ball"). Damned !
Sont-ce les dures réalités économiques qui auront calmé l'impétueux prodige ? Ou, plus sûrement, un éclair de raison qui aura su ramener Prince à une sage décision ? Le nouvel album ne sera "que" double et constitue encore aujourd'hui un de ses plus brillant joyaux : Sign O' The Times.

Passé l'exubérance des galettes précédentes cet album d'une clarté si limpide et d'une justesse si évidente impose définitivement l'image de génie visionnaire de l'artiste. Les compositions Pop-Rock vont à l'essentiel sans l'habillage "à la mode" et la production reste d'une grande sophistication. Il marque aussi un tournant dans les thèmes abordés : moins narcissiques, plus actuels. La tonalité générale n'est plus à la fiesta débridée ou au batifolage romantique.
Après une décennie passée à s'imposer comme Star mondiale, Prince passe à une nouvelle phase dans laquelle il n'a rien à démontrer et fait tout pour disparaître derrière un commentaire de l'actualité. Tout juste l'aperçoit-on sur la pochette de l'album, flou comme s'il voulait sortir du cadre et laisser son oeuvre parler pour lui. Sa musique est sans esbroufe, plus besoin d'épater la galerie avec des solos démonstratifs, mais la main et la voix du maître sont sûres, son esprit vif et son inspiration toujours là.

Le single "Sign O' The Times", avec son Video-Clip minimaliste, est la preuve de l'effacement de l'ego puisque Prince n'y apparaît pas. En laissant simplement le texte de la chanson défiler sur fond noir, tout en faisant varier la forme des caractères selon le tempo, le Clip devient indémodable. Les paroles sont un constat fulgurant des turpitudes de l'époque : le Sida, l'explosion de la navette Challenger, les Gangs, les exclus du système Capitaliste... Un résumé sordide qui se conclut par un "Let's fall in love, get married, have a baby" plein d'espoir.
L'artiste croque des portraits de ses contemporains. Dans le sublime "The Ballad of Dorothy Parker" il narre sa rencontre avec une serveuse de Bar atypique, dont le nom est celui d'une vraie poétesse du début du XXe siècle. Soutenu par un couple rythmique/basse complexe, des variations de nappes synthétiques aux sonorités étouffées produisent un étrange effet semblable aux écrits caustiques de leur inspiratrice. Plus simple dans sa composition, le rafraîchissant "Starfish and Coffee" parle de souvenirs d'école imaginaires autour d'une enfant nommée Cynthia Rose. Structuré sur une ligne mélodique au piano et une batterie rejouée à l'envers, c'est une respiration sensible qui évoque la tolérance à la différence, comme cette fillette qui a toujours le sourire et porte des chaussettes de couleurs différentes.
"Play in the Sunshine", party-song joyeuse, et "Adore", slow Jazzy, constituent les titres les plus classiques de l'album, appartenants à des genres clairement identifiables musicalement et dans les thèmatiques abordées. Dans la ballade Rock "I could never take the place of your man" il refuse les avances d'une jeune femme tout juste larguée par son homme. Les temps changent ! Quelques années plus tôt elle aurait fini au fond du lit du Rude Boy ; -)

"If I was your Girlfriend" marque l'apparition du personnage de Camille, alter ego à la voix modifiée échappé du projet d'album solo sous pseudo. Dans son texte Prince questionne la frontière entre le sentiment amoureux et l'amitié. Il traverse le miroir et s'imagine en petite amie dans une relation lesbienne. Le titre débute sagement, en ballade Pop au contexte vaguement inquiétant avec ces voix au genre indéfini, avant de partir en décalage complet et finir sur un monologue hystérique ("We don't have 2 make love 2 have an orgasm") s'accélérant jusqu'au climax. Un must au même chapitre que "Strange Relationship", autre composition tellement originale et maîtrisée de bout en bout. Prince y dépeint une relation amoureuse conflictuelle ("Baby I just can't stand 2 see U happy / More than that I hate 2 see U sad"). La rythmique se fait plus binaire mais c'est le thème au synthé accouplé au chant qui donne la force au morceau. Preuve supplémentaire de la maturité atteinte par Prince, l'intimiste "Forever in my Life" est une vibrante déclaration d'un homme qui veut arrêter de courir après la vie pour se poser ("there comes a time in every man's life, when he get's tired of foolin around", on dirait du Yoda ; -). Le dialogue qui s'instaure entre les deux pistes vocales créé un jeu étonnant, Prince chantant différemment les mêmes paroles pour constituer une sorte de chanson en canon torturée.
Une autre déclaration, "The Cross", s'évade vers le Gospel après une lente progression. On y retrouve un élément qui parcoure toute l'oeuvre de Prince, influence de son enfance passée dans les églises de son quartier, sa foi indéfectible en Dieu ("Soon all of our problems, Will be taken by the Cross"). La guitare séche est d'abord le seul instrument suivant le chant, rejoint au fur et à mesure par une rythmique basique qui s'étoffe d'une basse, d'une guitare électrique et d'un gimmick oriental pour un final en apothéose.

Coté Funk, de nouvelles mutations donnent naissance à l'incroyable "Housequake", un nouvel étage au vaisseau cosmique Princier. Son flow imparable façon James Brown 2.0 et sa rythmique d'une précision d'orfèvre constituent un aboutissement en la matière, un mélange inexplicable de dépouillement et de profondeur. Cette signature d'un nouveau genre musical dont Prince est l'unique représentant, on la déguste également dans le titre Electro-Pop comme "U got the Look" (l'autre single de l'album avec Sign O'), plus taillé pour atteindre les Charts à l'instar de "Hot Thing", fusion Funk destinée aux Clubs.

L'album "Sign 'O' the Times" bénéficie d'une unité de ton, une homogénéité malgré la diversité des style musicaux abordés et l'interprétation souvent changeante d'un artiste aux multiples personnalités, avec ses voix triturées qui dialoguent au sein d'une même chanson. Cette cohérence, qu'on avait toujours connu dans les productions Princières, atteint ici son zénith. Mélangée à une prise de conscience qui lui fait quitter un temps les thèmes légers pour s'ancrer dans l'actualité et aborder ses marottes sous un angle plus "sérieux", cela donne l'un des Classiques de l'artiste et un point de référence des 80's.

Sign 'O' the Times
Play in the Sunshine
Housequake
The Ballad of Dorothy Parker
It
Starfish & Coffee
Slow Love
Hot Thing
Forever in my Life
U got the Look
If I was your Girlfriend
Strange Relationship
I could never take the Place of your Man
The Cross
It's gonna be a beautiful Night
Adore




Les Années Commerciales : LoveSymbol (1992)
Entendons-nous bien. "Love Symbol" (ou O(+, mixage des symboles mâle/femelle) est un album de businessman, un assemblage de titres créés pour "marcher", selon une formule de roublard bien connue de Prince. Tout cela a fonctionné à merveille avec "Batman" et "Diamonds and Pearls", la tentation de continuer sur la lancée est forte, d'autant plus qu'un contrat mirobolant avec sa maison de disques pousse l'artiste et son groupe New Power Generation à la surenchère.
Et surenchère il y a. Conçu initialement comme une saga au vague parfum d’Égypte antique, "Symbol" devait prendre la forme d'un concept-album Opéra-Rock, avec des airs de "Phantom of Paradise" façon Brian De Palma. Rappelons que dans ce film de 1974, un compositeur défiguré, dissimulé sous un masque, vendait son âme au Diable pour faire chanter sa muse, la frêle Phoenix.
On trouve des vestiges de ce délire dans les interludes entre les chansons, où une journaliste tente d'interviewer la Star à la voix déformée. L'homme se fait passer pour un certain Victor et écrit un opéra pour sa nouvelle conquête, une princesse du Caire (qui n'est autre que Mayte, jeune danseuse des N.P.G. et future première femme de Prince).

Symbol se veut une démonstration de savoir-faire de l'artiste avec une collection de titres dans tous les styles en vogue de l'époque. Le résultat est une confirmation que Prince n'est pas à son affaire avec le Reggae (le gentillet "Blue Light"), la Dance Technoïde (le raté "I wanna melt with U") ou la ballade Jacksonienne (le terrifiant "Sweet Baby").
Non, le Funkster n'est décidément pas fait pour l'imitation.

Tout juste parvient-il à produire des parodies réussies. Dans "My name is Prince" il reprend le style et les tics vocaux de son vieux concurrent, Michael Jackson l'auto-proclamé King of Pop, pour mieux le basher ("My name is Prince, I don't wanna be King, Cuz I've seen the top and it's just a dream"). Dans "3 Chains o' Gold" c'est au Rock grandiloquent de Queen période "Bohemian rhapsody" qu'il s'attaque, avec ses parties chantées comme dans les comédies musicales. Encore et toujours une histoire de rupture amoureuse, poussée à l'extrème également dans le texte ("So evil girl if one of us has a date with the undertaker, which one will it be? / If one of us has 2 go, you will go before me")
Vue au second degré, la farce fonctionne.

C'est lorsqu'il s’attelle à son pêché mignon que Prince redevient captivant. On se réjouit d'un "Sexy MF", R and B classieux, punchy et bravache, ou "7", envolée mystique semblant échappée de l'album "Lovesexy". D'un coté on retrouve des lyrics délicieusement tendancieuses ("I get hard if the wind blows your cologne near me"), de l'autre le prêche habituel à la vie meilleure qui nous attend une fois mort ("There will be a new city with streets of gold, The young so educated they never grow old").
On savoure aussi les ballades, sur "Symbol" l'artiste atteint le point culminant de sa science du groove romantique avec "Love 2 the 9's", "Damn U" ou "And God created Woman". Garanties sans excès de guimauve, l'éloignant de la sobriété des premières compositions qui étaient principalement des thèmes au piano, ces titres courts finement charpentés alternent joliment avec le gros son Pop-Rock qui réveille le reste de l'album. Ainsi, malgré la présence de la voix "rappeuse" de Tony M, les solides "The Max", "Arrogance / The Flow" et "The sacrifice of Victor" assurent le show, même si on est loin des prises de risques et de la fantaisie singulière de la décennie précédente. Ce dernier titre contient d'ailleurs quelques confessions surprenantes -car rares- sur la possible enfance de Prince, où il est question d'une naissance difficile et d'épilepsie jusqu'à l'age de 7 ans ("I was born on a blood stained table, Cord wrapped around my neck, Epilectic 'til the age of 7, I was sure heaven marked the deck"). Il y raconte aussi la fin de la ségrégation raciale qu'il vécut en 1967 ("1967 in a bus marked public schools, Rode me and a group of unsuspecting political tools").

Album conventionnel soufflant l'excellent et le médiocre, "Love Symbol" est sauvé par la qualité de sa production. Moins tape-à-l'oeil que le précédent, "Diamonds and Pearls", il résiste bien mieux au passage du temps et reste le meilleur exemple du "son" Prince du début des 90's.

My Name is Prince
Sexy M.F.
Love 2 the 9's
The Morning Papers
The Max
Blue Light
I Wanna Melt with U
Sweet Baby
The Continental
Damn U
Arrogance
The Flow
7
And God created Woman
3 Chains o' Gold
The Sacrifice of Victor


La Liberté Retrouvée : Emancipation (1996)
En 1996 l'artiste-qui-ne-souhaite-plus-qu'on-l'appelle-Prince célèbre sa délivrance des contraintes qui le retenait jusqu'à lors à son ancienne Maison de Disques, Warner Bros. Après trois années de lutte juridique le voila libre de produire un album chez la concurrence. Le label EMI saute sur l'occaz et publie "Emancipation", un imposant triple-CD.
Voila donc Prince, pardon O(+, brisant ses chaînes sur la pochette de l'album. L'ex-esclave (O(+ s'affichait en public avec le mot "Slave" inscrit sur la joue !) est dorénavant libre. Une fièvre créatrice, couplée à une série d’évènements dans la vie privée de l'artiste (mariage puis attente d'un enfant), qui le pousse à l'excès. "Emancipation" est un grand album malade, comme on a pu le dire de certains films. Une oeuvre mégalomaniaque, 36 chansons s'étalant sur 3 CD de 60 minutes et 12 titres chacun exactement. Une folie estampillée control-freak.

Cette pyramide musicale symbolise toute la production Princière des 90's, à savoir un capharnaüm où se côtoie pèle-mêle le pire et le meilleur, l'anecdotique et l'essentiel. On y trouve même quatre reprises, dont les fadasses "Betcha by Golly wow !" et "La la la means I love U", standards mièvres des 70's.
La tonalité générale est à la froideur, une ambiance oppressante de sonorités étouffées, voire asphyxiées. Ce sentiment parcourt plusieurs titres de l'album, en particulier les chansons Pop comme "Get yo groove On" ou "Jam of the Year", trop près du sol pour réellement décoller, ou "We gets Up" et "Sleep Around", sans la saveur particulière qui habituellement enrobe les friandises Princières.
Il leur manque le petit je-ne-sais-quoi qui imprime heureusement d'autres compositions, telles "Joint 2 Joint", "Style" et "Face Down", soubresauts stylistiques à l'exact opposé sur le spectre Princier. On y retrouve le Hip Hop sous tension, sans colorants ni additifs, souvent copié jamais égalé, avec cette habileté à faire varier son contenu mélodique au sein d'une même chanson pour surprendre l'auditoire. Ainsi dans "Joint 2 Joint", dont le refrain est un ambigu "Sex me... safe" mais dont les paroles ne laissent aucun doute sur les intentions du lascar ("if we're ever naked in the same machine i gonna lick it, baby, joint 2 joint"), on a droit à plusieurs ponts musicaux très différents qui vont jusqu'à la démonstration de claquettes !
"Style" liste, sur un tempo chaloupé accompagné d'un saxo énervé, tout ce qui est Classe/Pas Classe du point de vue de l'artiste (un indice : manger des rillettes et s'habiller en jogging n'en font pas partie). "Face Down" fait figure de règlement de compte musclé avec Warner Bros, sa désormais ex-Maison de Disques qui ne répond plus au téléphone, l'abandonnant comme un chanteur fini ("Somebody once told him that he wouldn't take Prince 2 the ringer, let him go down as a washed up singer, ain't that a bitch").

L'électro-Pop est une valeur sûre de l'album, avec les très réussis "White mansion" et "In this bed I scream", dans lesquels O(+ narre ses débuts ("sell my publishing? what a laugh! I don't know Bo, but i do know math") et revient sur sa période faste, les 80's, en lançant un appel aux ex-Revolution Wendy et Lisa avec cette pointe de mysticisme toujours en embuscade dans les couplets, laissant constamment planer le doute sur le sujet et la finalité du propos ("how do we ever loose communication? How do we ever loose each other's sound?"). Nettes et sans bavures, ces compos affichent une aisance redoutable pour manigancer des mélodies imparables, à l'abord facile, qui vous prennent dans leurs filets et vous obligent à la réécoute, ad libitum.
Tout comme "Emale" et le duo avec Kate Bush "My Computer", fantaisies accomplies sur les nouvelles technologies dans lesquelles Prince aborde des sujets alors naissants. Le premier est une histoire de vengeance sur fond de rendez-vous online. Le second raconte avec 15 ans d'avance les affres de la génération Y et la virtualisation des relations humaines ("I scan my computer, looking 4 a site, somebody 2 talk 2, funny and bright, i scan my computer, looking 4 a site, make believe it's a better world").
Encore plus groovy, "Sex in the Summer" renoue avec des timbres qu'on entendait sur les albums de "The Time" dans les 80's. De la bonne vieille ambiance Funky réjouissante et insouciante où la seule préoccupation est de mater les filles sur la plage ("checkin' for bikinis, layin' in the sand, rub it like a genie, livin' while we can").

Comme sur ses albums précédents dans les 90's l'auteur excelle dans ses créations de Ballades Rock, "Right Back here in my Arms", "The Love we make" ou "Somebody's Somebody". Du romantisme échevelé comme Prince sait le faire, cash et sans arrière-pensées. Ainsi "Right Back here" est une simple supplique adressée à l'être aimé suite à une rupture ("I know u got a lot on your mind, that's why i wanna give you some time"). Dans "Somebody's somebody" le message est plus franc encore, une solitude pesante et douloureuse qui ne peut être comblée que par une rencontre ("there's a hunger deep inside me, oh! how the fire burns, I wanna give good love 2 someone and get good love in return").
Plus introspectives encore, la majorité des titres du second CD constitue un hymne à toutes les formes d'Amour ("Let's have a Baby", "Soul Sanctuary", "Curious Child", "Dreamin' about U", "The Holy River", "Friend - Lover - Sister - Mother/Wife"). Un album du matin, intime, où la voix se fait parfois murmure. Une déclaration à sa muse et femme, Mayte, et à leur enfant qui doit arriver quelques temps après la sortie de l'album. Malheureusement le bébé ne survivra pas à une maladie rare, quelques jours après sa naissance. Un drame que Prince n'abordera jamais en public mais qu'il aura certainement interprété comme un signe du Divin à son encontre. Il n'y aura pas d'autres tentatives d'avoir un bébé.

La troisième partie de l'album s'ouvre sur des titres lorgnant vers les cultures urbaines, avec des styles musicaux longtemps désavoué par Prince comme le Rap ou la Techno. Mais "Slave", "New World", "The Human Body" ou "Da Da Da" peinent à susciter l'intérêt, malgré leurs formes singulières de prototypes hybrides. La faute, comme pour les titres Pop décevants cités précédemment, à leur aspect glacé, dénué d'authenticité, et pour tout dire ringard ! On salue les tentatives, mais on conseille encore et toujours à Prince de laisser cela aux professionnels du genre. Le titre final, éponyme à l'album et rappelant dans ses paroles la symbolique évoquée sur sa pochette ("break the chain!"), résume la thématique de l'ensemble : la liberté de faire ce que l'on aime, quitte à en faire trop ("when they tell me that's enough, that's when i wanna fill my cup 2 the top").

Emancipation est en définitive une véritable performance pour un artiste de l'envergure de O(+. Cet immense monolithe est certes un peu lisse vu de l'extérieur, moins flamboyant que la période 80's, mais c'est assurément la référence de fin de siècle de Prince car il synthétise ce flot obsessionnel, cette constante inspiration pour créer, son sacerdoce dédié tout entier à la Musique.
Libéré des contraintes commerciales, Prince ne cherche plus à tout prix le single qui fera un Hit, il ne s'impose plus de limites arbitraires, s'autorisant à faire durer le plaisir quand c'est nécessaire (pléthore de titres de plus de 5 minutes) et à ressasser ses marottes (Dieu, l'Amour, l'Ego). S'il se perd parfois dans le labyrinthe, s'il croise de temps en temps du déjà-entendu ou des erreurs de casting, l'amateur éclairé y piochera à l'envi ses morceaux choisis pour se constituer sa propre émancipation idéale.

CD 1
Jam of the Year
Right Back here in my Arms (*)
Somebody's Somebody (*)
Get Yo Groove On
Courtin' Time
Betcha by Golly Wow!
We Gets Up
White Mansion (*)
Damned If I Do
I can't make U love Me
Mr Happy
In this Bed I Scream (*)

CD 2
Sex in the Summer (*)
One Kiss at a Time
Soul Sanctuary
Emale (*)
Curious Child (*)
Dreamin' about U (*)
Joint 2 Joint (*)
The Holy River
Let's have a Baby
Saviour
The Plan
Friend, Lover, Sister, Mother/Wife (*)

CD 3
Slave
New World
The Human Body
Face Down (*)
La, La, La Means I Love U
Style (*)
Sleep Around
Da, Da, Da (*)
My Computer (*)
One of Us
The Love we make (*)
Emancipation (*)

(*) Les titres à garder pour un "Best Of" Emancipation.


Retour aux Sources : The Rainbow Children (2001)
Après une douloureuse tentative de come-back bien foirée (l'album "Rave Un2 the Joy Fantastic" en 1999), il était temps pour O(+ de reprendre sa véritable identité, dans tous les sens du terme. Revoilà donc Prince, arborant à nouveau son patronyme originel, débarrassé des sons de chambre froide, qui aborde le 21e siècle avec ce qu'il sait faire de mieux : un concept-album qui nous emmène loin.
Coté inspiration il embarque dans ses bagages les trois Rois Mages, Hendrix, Santana et Miles Davis, pour les invoquer tour à tour au fil des instrumentaux et des solos. Une harmonie Jazz imprègne tout l'album, donnant à l'ensemble une atmosphère chaleureuse qu'on avait plus entendu depuis des années dans les productions Studio de l'artiste.
The Rainbow Children forme un tout cohérent, une épopée qu'il est nécessaire d'écouter dans son intégralité, comme "Lovesexy" en son temps. La voix du narrateur, Prince en low pitch, conte à la manière d'une légende biblique la naissance d'une nouvelle nation, celles des "Rainbow Children". Les textes s'articulent autour d'une fable spirituelle, un récit homérique qui amalgame histoire personnelle et Grand Dessein du Divin.

Dès le premier titre on est immergé dans cette moiteur cool, saxophones et guitares électriques qui courent sur une composition Soft-Jazz, un charme inné où tout coule de source. On s'aperçoit que les personnages mis en scène dans les textes trouvent tous un écho dans la vie de Prince. "The Wise One", c'est lui, évidemment. Et son ex-femme, Mayte, est celle qui succombe : "As prophesied, the Wise One and his woman were tempted by the Resistor. He, knowing full well the Wise One's love 4 God, assimilated the woman first and only." Voila donc la faute originelle, une "tentation" indéfinie à laquelle Mayte n'a pu résister et qui fut la cause de son départ (divorce en 1999).

Muse to the Pharoah offre un tempo décontracté auquel il est difficile de ne pas s'abandonner. La rythmique easy accompagne une swing mélodie, les paroles célèbrent l'avènement d'une nouvelle inspiratrice (ou impératrice ?), la future de Prince.
Mais bientôt cet idéal est bousculé par une force négative, les Bannis sont de retour. Dans "Digital Garden", sorte d'interlude délivré comme dans une bande originale de film, rafales guitaristiques à l'appui, voila les bienheureux Wise One et sa promise cernés dans leur palais. Les Bannis saccagent le monde et répandent le mensonge, ils demandent réparation pour leur temps passé auprès du Wise One. Il est intéressant de noter que Prince fait référence aux médias, qu'il affuble des sobriquets moqueurs "whosepapers", "hellavisions" et "scagazines", comme faisant partie des Bannis diffusant la tromperie. Magnanime, le Sage les absout, les Bannis retournent à MendaCity (littéralement "La Cité de la Calomnie").

Vient l'heure de la reconstruction. Dans "The Work", titre Funky à souhait, notre Sage s’emploie à diffuser la bonne parole, en clair le sermon, à chacun. "This work is not an easy task, But this is the work we must do 4 Revelation 2 come 2 pass", voila donc le loup sorti du bois. Il s'agit bien d'un prêche façon Témoins de Jéhovah, auquel Prince vient justement d'adhérer par l'entremise de Larry Graham, autre célèbre musicien depuis longtemps adepte. Mais pour l'amateur de musique, le projet est sauvé par la qualité de composition et ce ton inédit qu'on n'avait pas encore entendu chez l'artiste. Un croisement accompli entre Jazz-Rock et rythmiques tendance Sud-Américaines.

La Félicité est proche, Prince chante sa joie et son amour retrouvé dans "Everywhere" et "The Sensual Everafter" ("Without God it wasn't there, Now I feel it Everywhere", "2 all his good brothers the Wise One spoke highly of his Muse"). Le premier titre, Gospelien dans l'âme, est une sorte de une ballade exaltée. Il est suivi d'un instrumental sous influence, très abouti.

Dans "Mellow" l'auteur revient au doux groove irrésistible, avec un idée beaucoup plus précise de ses intentions ("Can I sing 2 u while u bring urself 2 joy? I'll go slow at first, while u quench ur thirst, Wet circles round the toy, While u bring urself 2 joy"). On se croirait revenu au bon vieux temps lubrique de "Dirty Mind".
Impression confirmée par le titre suivant, le génial "1+1+1=3" où l'amateur reconnaît une vieille amie, la guitare version "high pitch" du vénérable "Erotic City", Grand Classique Nelsonien. Le retour aux fondamentaux est définitivement là, nous sommes à la source du MPLS Funk, authentifiée par la voix Camillesque. C'est le retour des Bannis, qui tentent un dernier raid sur le château. Heureusement, la science Funkesque du Wise One les repousse.

La victoire est fêtée dans "Deconstruction", superbe instrumental dans la lignée de "Sensual Everafter", et "Wedding Feast", petit entracte comique célébrant le mariage du Sage et de sa Muse, devenue Reine.
On passe sur la ballade manquée "She Loves me 4 me", nouvelle déclaration enfiévrée à sa récente conquête où Prince nous fait une poussée de parano ("This one I can tell all my secrets 2, I don't have 2 make her swear she would never tell anywho"), pour arriver devant un client sérieux. "Family Name" s'ouvre par une longue introduction où s'associent concept New Age (les Annales Akashiques, ésotérisme basé sur la philosophie Indienne) et démonstration politique rhétorique. Le narrateur dissèque le processus menant à la prise de conscience d'une minorité supposée, lorsqu'elle se découvre des similitudes avec d'autres pour devenir majoritaire.

Par la suite le titre, sous l'apparente innocence d'une chanson Pop-Rock, dénonce les changements de patronymes imposés aux esclaves noirs et fustige les faux représentants de Dieu sur Terre ("Preacher, preacher, is it true? That Jesus wants me 2 give my money 2 the likes of u?"). Une pratique courante dans l'argumentaire des Témoins de Jéhovah, qui rejette toutes les autres religions, nouvelle preuve indiscutable que les références de l'artiste y sont piochées. Autre exemple : "Devil, devil what u know? U been here since 1914, but now u got 2 go". Selon le mouvement 1914 est la date du début de la destruction de la Terre par Satan.
Les arguments sont ambigus, Prince ne cite que des noms Juifs dans ses exemples (Rosembloom, Pearlman, Goldstruck), puis il conclut par la retransmission du fameux message de Martin Luther King, "I have a dream". Curieuse ambiance.

Moins équivoque, et tout aussi réussi sur le plan strictement musical, "The Everlasting Now" accélère le rythme pour un autre sermon pêchu, plus ouvert ("Share the truth, preach the good news, Don't let nobody bring u down").
L'album se conclu sur "Last december", où l'on retrouve les envolées Gospel entendues précédemment, sur des paroles synthétisant le message global du Wise One. "When the truth arrives, Will u b lost on the other side?", toujours sous ascendant des Jéhovah qui croient que 144 000 fidèles seront sauvés et monterons au Paradis, le reste de la population restant sur Terre lors du Jugement dernier.

The Rainbow Children symbolise la résurrection de Prince, après une série d’évènements personnels douloureux (mort de son bébé en 1996, divorce en 1999). On peut faire abstraction de son message hautement religieux pour n'en garder que l'essentiel : sa musique. Cette grandiose fresque constitue le meilleur de Prince, sa renaissance artistique, et reste un des rares albums Studio de la période 1998-2008 totalement réussi.

Rainbow Children
Muse to the Pharoah
Digital Garden
The Work Pt 1
Everywhere
The Sensual Everafter
Mellow
1+1+1=3
Deconstruction
Wedding Feast
She loves me 4 me
Family Name
The Everlasting Now
Last December



L'album en kit : LotusFlow3r / MPLSound / Elixer (2009)
Après une série d'albums que l'on qualifiera pudiquement de très moyens, d'où émerge quelques fulgurances noyées dans des ressassements pénibles, la légende Prince ne tient plus que par ses nombreuses apparitions Live. Entre 2004 et 2007, de Las Vegas à Londres, l'artiste abreuve le grand public de tournées de Hits et les fans d'aftershows emplis de raretés et de reprises mémorables. C'est à s'en déboîter les esgourdes de plaisir.
On pense alors faire définitivement une croix sur un album Studio tenu de bout en bout. Comme d'hab avec le Sieur Nelson, les certitudes ne durent qu'un temps. En Mars 2009 un pavé triple-CD se téléporte sur le site LotusFlow3r.com.

Le projet LotusFlow3r est constitué de 3 albums possédant chacun sa tonalité propre : Rock pour LotusFlow3r, Funk pour MPLSound et Ballade pour Elixer.

Le premier, le plus réussi du lot, est une suite inavouée de "The Rainbow Children". On y retrouve les instrumentaux psyché-planant ("From the lotus" et "Back to the lotus") et tout l'héritage Rock totalement assumé avec la prédominance des guitares sur "Colonized Mind", "Boom", "Wall of Berlin", "Crimson and Clover" (reprise d'un Classique de 1968) et "Dreamer" (copie du Voodoo Child Slight Return de Hendrix). L'armada Rock est complétée par des incursions Jazzy, tels "Feel better, feel good, feel wonderful" ou "$".
Les textes mystiques sont toujours de mise, dans "Boom" Prince poétise sur la Vie, l'Univers et le Reste, philosophant avec son habituel méli-mélo religieux ("If the sunrise is still a question, The answer's in the dark"). La mélodie aérienne alterne avec le refrain électrique solidement ancré au sol, une vraie merveille. Le même principe s'applique au puissant "Colonized Mind", le message politique se faisant nettement plus direct ("The one in power makes laws, Under which the colonized fall, but without God it's just the blind leading the blind"). L'auteur dresse un triste bilan de ce début de 21e siècle par le prisme de sa vision religieuse intransigeante : il fustige pèle-mèle le "principe" de l'évolution (juste une théorie selon les créationnistes !), l'isolement et la déresponsabilisation provoqués par la dématérialisation, le système politique à deux partis des USA ("une illusion de choix proche du fascisme", carrément !). Et, pour terminer en apothéose, il dénonce la procréation assistée et/ou l'adoption par les couples homos : "Upload: a child with no father, Download: no respect 4 authority. Upload: a child with no mother, Download: a hard time showing love". Pour sûr, on est loin de "Sign O the Times" et son "Let's fall in love, get married, have a baby"...
Le paroxysme est atteint sur "Dreamer", plagiat Hendrixien jouissif où revient sur le tapis le combat pour l'égalité sur fond de psychose conspirationniste ("Have u ever clutched the steering wheel Of ur car 2 tight? Prayin that the police sirens pass u by at night? While the helicopter circles and the theory's getting' deep, Think they're spraying chemicals over the city while we sleep?"). Encore un peu et il balançait sur le 11-Septembre ;-)
On l'aura compris, mieux vaut se focaliser sur la musique que sur les paroles !

L'album "MPLSound" est le versant Electro/Funk du projet, sur lequel plane l'ombre envahissante du mythique "1999". Le timbre rythmique synthétique, ce son typique de "LM-1 Drum Machine" exploré jusqu'à la moelle par l'artiste dans son age d'or (les 80's), imprègne chaque titre de "MPLSound". On pourrait parler de passéisme, on préférera le terme de réinvention. Après tout, cette marque de fabrique est copyrightée Prince depuis 30 ans !
Le souci avec ce trip rétro-futuriste vient justement de la comparaison avec les anciennes productions. Une bonne moitié des chansons se perd dans une sensiblerie déplacée, reste trop sage. On cherche ce grain de nuts qu'on avait perçu jadis, aujourd'hui absent des roucoulades "U're gonna C me" et autres "Better with time". Lorsqu'on subit le raté "(there'll never B) Another like me", on se dit qu'effectivement il souffre de la confrontation avec l'orfèvre de "Purple Rain" et on a envie de crier à l'ami Roger un salvateur let's go crazy man !
Heureusement quelques perles échappent au control-freak en offrant un tempo imparable et des textes beaucoup moins lourds que la partie Rock. "Dance 4 me" et "Valentina" en guise d'apéro, où l'on se remémore le bon vieux temps des Funkadelics "D.M.S.R." et consorts, avant de lâcher le groove électro-métallique "Chocolate Box" et le grand méchant loop "Ol'Skool Company". Les thématiques ne changent pas, de la party song calibrée juste comme il faut sans se prendre la tête, avec un soupçon d'actu ("Fat cats on wall street, They got a bailout", voila pour la crise financière) et une bonne dose de "c'était mieux avant", nostalgie qui sied à l'ambiance sonore ("The songs we sing, They used 2 mean somethin, Now every other one is just mean"). Le tout servi avec quelques vantardises habituelles, "I got a box a chocolates that'll rock the sox of any girl that wanna come my way" ou bien "Oh Valentina tell ur mama she should give me a call" (chanson adressée à la fille de l'actrice Salma Hayek).

Dernier album du trio, "Elixer" ("He licks her", c'est clair ?) complète l'ensemble par une rasade de ballades doucereuses. Galette écrite et produite par Prince et dédiée toute entière à sa nouvelle égérie, Bria Valente, il est déconseillé d'écouter l'album d'une traite sous peine d'overdose mielleuse. Sa voix caressante ressemble à celle de n'importe quelle chanteuse R and B en vogue et les paroles de Prince ne laissent aucun doute sur son rôle fantasmé, celui d'une superbe créature se nourrissant d'amour et de quelques gorgées d'eau fraîche, attendant son homme en rêvassant au bonheur d'être une déesse, pour se faire gourmander langoureusement la nuit venue (*hum* je prends mes pilules roses et je me calme).
"R u gonna get soft when I want 2 play rough?", "What we used 2 do Makes me wanna Take a shower And just lose myself in a fantasy", "He takes my breath cuz he takes his time, He takes my soul, body and mind, He takes what he wants and that's just fine", "Thinking 'bout the love we make, Boy it's true I had some trouble walking". Résumons : Madame provoque Monsieur, se tripote sous la douche, lui autorise toutes les cochonneries et fini par avoir du mal à marcher ! ;-)
L'intérêt principal d'Elixer est de permettre d'en picorer quelques chansons pour les insérer dans un album idéal, assemblé à partir des trois CD du projet LotusFlow3r. Une sorte de menu "Best Of" à géométrie variable selon son humeur, une production virtuelle faite maison dont je vous livre ici ma recette perso :

LotusMPLixer

From the Lotus... (*)
Boom (*)
Feel better, feel good, feel wonderful (*)
Elixer (***)
Dance 4 me (**)
Valentina (**)
Colonized Mind (*)
Wall of Berlin (*)
$ (*)
All this love (***)
Crimson and Clover (*)
Ol' Skool Company (**)
Chocolate Box (**)
Something U already know (***)
Dreamer (*)
...Back to the Lotus (*)

(*) Album LotusFlow3r, (**) Album MPLSound, (***) Album Elixer



Sérénité : Art Official Age (2014)
Jouer avec les nerfs de ses fans est un procédé coutumier chez Prince. On ne compte plus les projets restés derrière les portes closes du "Vault" et les annonces montagnesques accouchant d'une souris. Après avoir lentement fait monter la mayonnaise pendant près d'un an et demi en teasant jusqu'à plus soif son album Rock réalisé en collaboration avec son nouveau groupe 3rdEyeGirl, puis après s'être rabiboché avec sa maison de disques historique Warner pour annoncer la sortie d'un "Purple Rain" remasterisé, Prince a dégainé son ultime surprise de 2014 : un nouvel album solo.
Pas trop tôt, quatre ans qu'on poireautait !

Art Official Age est une petite révolution en soi puisque c'est la première production solo de l'artiste où on ne retrouve pas le fameux "Produced, Arranged, Composed & Performed by Prince". Signe que Mister Nelson a finalement compris, après 35 ans de carrière, qu'il devait laisser les manettes à plus jeune pour gagner en modernité. Qu'on ne se trompe pas cependant, même si la co-production est créditée à Joshua Welton et 3rdEyeGirl, A-O-A reste d'abord et avant tout un album de Prince, qui est l'auteur de tous les titres.
La preuve est que lorsqu'il se laisse trop aller vers le jeunisme, cela donne le boursouflé "Art Official Cage", titre d'introduction façon Eurodance, truc imbitable tentant vainement d'imiter Lady Gaga. On frémit à l'idée que le reste de la bouteille soit du même tonneau, fort heureusement on comprend rapidement qu'il s'agit d'une erreur de casting dans un album à l'ADN essentiellement composé de Ballades R&B contemporaines. La majorité des chansons est parsemée de cette rythmique cool, un chouia nonchalante, s'évadant parfois vers l'ambiant planante.
Les textes enjoignent l'auditoire à savoir prendre son temps pour apprécier les choses simples, telles qu'un baiser dans le cou de sa dulcinée ("You should never underestimate the power of a kiss on the neck, when she doesn't expect" in Clouds), paresser tranquillement avec elle ("I need some time to rest, I need some time with you" in Time) et pourquoi pas lui mettre un p'tit coup vite fait avant de partir au boulot ("The only thing that I've been hoping for is before you go to work babe, we get it on" in Breakfast can wait). Sacré Prince, on ne se refait pas.

Le noyau est donc nappé de R&B Soul paisible autour duquel gravite quelques électrons libres comme "Breakdown", "The Gold Standard" et "Funknroll". Le projet est une réussite, après les brouillons constitués par MPLSound et 20ten on a vraiment le sentiment d'un projet abouti et tenu sur la longueur avec un son plus "actuel". La raison, on l'a dit, est que Prince a délégué un peu de la production. Mais aussi (surtout !) qu'il a laissé mûrir son inspiration pendant plusieurs années, fait rare chez lui.
La pochette de Art Official Age le montre devant un ciel bleu dont les nuages sont quatre vinyles flous. En y regardant de plus près, l'amateur éclairé distingue le disque "Purple Rain". Le message, alors qu'on fête les 30 ans de ce monument ? Laissez le passé là où il est, profitez donc de mon actualité pendant que je suis vivant.

Avec "Clouds", "Breakfast can wait" et "Time", Prince prouve qu'il sait toujours enfanter des titres modernes, aux airs qui restent accrochés aux tympans et aux rythmes prennant le contrôle de vos pieds. Dans "Clouds" le commentaire sur notre ère connectée est désabusé, listant les malheurs du Faux et du Virtuel ("When life's a stage, in this brand new age / How do we engage? / Bullying just for fun / No wonder there's so many guns"). Pour y échapper Prince s'imagine dans 45 ans dans un "endroit où le temps n'a plus cours, sain et sauf". Mais avant de rejoindre l'au-delà, il compte bien profiter des plaisirs terrestres. "Breakfast can wait" prend une tournure nettement sexuelle lorsqu'il implore sa bien-aimée de s'occuper de sa gaule matinale : "Can't stop even if the police come / You can't leave a black man in this state / Prince is in charge now", une vraie chaudasse sa Majesté.
Il remet ça dans "Time", duo narrant le petit jeu romantico-pervers entre une jeune femme et lui, Fatigué d'être le chat ou la souris, le morceau se termine sur une supplique pour en finir avec cette solitude qui le poursuit de "party full of drunken fools" en "dirty hotel room" : "I think I need you to be my girl / travel with me around the world". Construit comme des vagues successives de nappes synthétiques, entêtantes à force de revenir à l'infini, le titre semble générer une dynamique comme un mouvement perpétuel.

Les deux chansons les plus intrigantes et réussies de l'album sont les slows ambiant "U Know" et "Way back home". Basé sur une mécanique rythmique ultra efficace enduite d'accords au piano et de sonorités électro-groovantes, la première chope immédiatement l'auditoire. Repompée d'un vieux sample jadis donné à une protégée, "U Know" contient un texte cryptique. En surface on se trouve en présence d'une bizarrerie, l'obsession d'un homme pour un précieux "trésor", sans qu'on sache de qui ou de quoi il s'agit.
En filigrane la chanson aborde les relations contractuelles conflictuelles de Prince avec Warner Bros, la maison de disques avec laquelle il vient de renouer des liens après 20 ans de bisbilles. L'auteur y raconte son départ et son retour dans le giron du mastodonte, employant pléthore de métaphores pour éviter les poursuites judiciaires. C'est le combat de sa vie d'artiste, faire reconnaître les droits des auteurs, compositeurs et interprètes face aux comptables et aux commerciaux des Majors.
Beaucoup moins politique, mais flottant dans une atmosphère similaire, "Way Back Home" et son épilogue "Affirmation III" replonge dans un mysticisme bien connu chez notre homme. Même habillage électro-cool captivant, rappelant cette fois le bruit d'un cœur en échographie, comme une naissance à venir. Partant d'un constat amère ("I never wanted a typical life / scripted role, huh...trophy wife"), Prince sait que son passage sur Terre n'est qu'une étape avant de revenir à sa source : lui-même. Ainsi il décrit la vie terrestre comme la séparation du corps et de l'esprit, non seulement par rapport aux autres, mais aussi à soi. La vie éternelle qu'il défend ardemment depuis des lustres trouve son explication dans les dernières lignes de l'album : "Remember there really is only one destination and that place is U, All of it, everything, is U". La thérapie est terminée, c'est 60 Euros, merci et à bientôt.

Les deux derniers titres à retenir notre attention sont des productions typiquement Princières. "Breakdown", chanson de rupture, pare à l'essentiel. Voix de tête haute qui fini en cris, piano solo rejoint en douce par toute l'orchestration, rythmique comme une boule d'angoisse dans la poitrine. C'est du lourd, la séance de spiritisme convoque "Condition of the Heart" et "The Beautiful Ones", fantômes savoureux, c'est vous dire la puissance.
L'implosif "FunkNRoll" revient à la party-song traditionnelle, celle sans laquelle un album de Prince n'en serait pas vraiment un. Une tension intrinsèque parcoure les premières minutes, construite sur un rythme binaire répétitif en crescendo, jaillissant lors d'un final qu'on ne lasse pas d'attendre. Sempiternelle question : qu'est-ce qui est le meilleur dans la jouissance, l'orgasme ou les minutes qui le précède ? Réponse avec FunkNRoll : on ne saura jamais. Repassons-nous donc le morceau une centième fois, histoire de revérifier.

Prince reste et restera à tout jamais un mystère, une terre de contraste ;- ) Capable d'enchaîner les prod les plus tiédasses pendant des années, semblant se désintéresser d'une l'industrie musicale vaincue par le numérique, le voila qui resurgit, serein, avec deux projets Studio bétons. A la fois tuteur et élève il est revigoré par les 3rdEyeGirl, sang neuf enrichissant Art Official Age et coup de sang énergisant PlectrumElectrum, l'album Rock qu'on attendait depuis longtemps.
Et pour les éternel(le)s scrogneugneus(es), il reste toujours le remaster de Purple Rain.

Art Official Cage
Clouds
Breakdown
The Gold Standard
U Know
Breakfast can Wait
This could Be Us
What it feels like
Affirmation I & II
Way Back Home
FunkNRoll
Time
Affirmation III







III) Les Trésors cachés

Vous voila à présent imprégné du style Princier grâce à l'écoute des albums ci-dessus. Vous avez eu droit à la crème, mais n'avez fait qu'effleurer l'iceberg Rogers Nelson ! A présent pour parfaire votre connaissance il vous faut plonger plus avant dans l'incroyable production du facétieux Lutin pourpre (enfin Lutin, il a bientôt 60 balais le bougre ;-).

Les albums qui suivent sont généralement moins considérés par le grand public et la critique, mais c'est parmi ces bijoux que vous trouverez probablement vos pépites préférées après quelques écoutes... Attachez votre serviette autour du cou, c'est parti pour la ronde des desserts Princiers.

La tête dans le cul : Dirty Mind (1980)
Voici donc le salace album qui a imposé tout l'imaginaire sexuel de Prince. Dès le premier titre, le fameux "Dirty Mind" justement, Prince ne fait pas dans la dentelle et annonce clairement la couleur : il ne pense qu'à ça et le dit haut et fort ("It doesn't matter where we are, who's around, I wanna lay you down").
Ce manifeste pour obsédé monomaniaque est décliné tout au long de l'album, avec un premier degré assez désarmant. Prince ne fait point dans l'art de la métaphore, dans "Do it all night" (beau programme) il drague une inconnue en lui promettant de lui procurer de la joie (ha !), dans "Sister" c'est sa "soeur", terme ambigu en anglais, qui l'initie aux plaisirs interdits alors qu'il n'a que 16 ans ("My sister never made love to anyone else but me, She's the reason for my sexuality"), dans "Head" Prince déclame une ode joyeuse à la pipe, procurée par une vierge en passe de se marier ("morning, noon and night, i'll give you head") !
Bref, c'est la fête du slip à tous les étages.

L'album bénéficie, à juste titre, d'une réputation sulfureuse. Il faut dire qu'en pleine ère Reagan (le père), l'Amérique puritaine de 1980 ne fait pas vraiment un triomphe aux thèmes abordés : du cul, du cul, du cul, et un parfum d'inceste aussi. La pochette de l'album est censurée chez certains disquaires et les passages en radio se font rares.
Pourtant, musicalement cet album est celui dans lequel Prince mêle son sens inné de la mélodie à une production plus libérée, plus inspirée. Après avoir posé les fondations dans ses deux albums précédents, il est temps de construire la baraque ! Le Funk Princier bourgeonne, avec ses nappes de synthés typés 70's, ses guitares et sa rythmique qui s'emballent.
C'est particulièrement flagrant dans les nerveux "Partyup" (un manifeste anti-guerre car "We don't wanna fight no more!") et "Uptown" (où Prince fait découvrir à une fille la vie des quartiers chics), petits bijoux hybrides Dance-Rock, et le superbe "When you were mine", graine de Hit avec son refrain catchy parlant d'un homme quitté mais toujours amoureux.

Evidemment il n'est toujours pas question de se torturer les méninges sur des questions métaphysiques. Vu le titre de l'album, on s'en doutait. Notre Prince en string n'est là que pour relater ses conquêtes amoureuses, faire la fête, et assouvir ses envies (qui se situent principalement au niveau du bassin).
Dirty Mind, album méconnu en dehors du cercle des fans, est pourtant celui où l'artiste fait éclore son personnage, le libère des contraintes marketing en insistant lourdement sur le Sexe (à l'encontre de ses managers de l'époque, la maison Warner Bros). Il prend de l'assurance en assumant son coté pervers en rut, quittant la naïveté gentillette de ses anciennes bluettes. Son style musical s'affine, se tonifie, entre Pop-Rock et Dance-Funk. Sans être encore tout à fait unique on perçoit déjà une marque de fabrique.
Le groupe qui l'accompagne, composé de musicien(ne)s de tous les horizons, affiche une volonté de métissage. C'est d'ailleurs Lisa Coleman, et sa future complice Wendy Melvoin, qui accompagneront Prince au sommet des Charts lors des cinq années suivantes.

Dirty Mind
When you were Mine
Do it all Night
Gotta broken Heart Again
Uptown
Head
Sister
Partyup



Face B : Controversy (1981)
Dans cette suite directe de "Dirty Mind" Prince continue de creuser son sillon libertin, tout en politisant timidement son propos.
Coté cul il persiste dans la veine romantico-perverse avec l'un de ses slow les plus torrides, "Do me Baby", où on l'entend gémir à s'en dévisser la glotte devant l'élue de son coeur. Mieux, il dédie une chanson entière à popol, "Private Joy", dans laquelle il rend hommage à son "petit ange", son "jouet personnel", son "orgasmatron". Le ton primesautier du titre ferait presque oublier son contenu graveleux.
Et pour finir en apothéose érotique, "Jack U Off" est un hymne joyeux qui dresse une liste de tous les lieux où Prince pourra masturber madame : au cinoche, au resto, dans la bagnole de maman, ce garçon serviable dispose d'un doigté expert !

Aux cotés de ses titres qui confirment ce qu'on avait appris avec l'album précédent, on déguste le single "Controversy", électro-Funk ultra efficace qui devient la carte de visite du personnage ("Am I black or white ? Am I straight or gay ?"). Il se place au coté de "Let's Work" comme emblème du style à présent bien défini de l'artiste, un croisement unique de toutes ses influences Rock, Funk et même Pop, absorbée par le jeune Nelson dans son enfance. Et même si les textes commencent à tourner en rond ("I'd love to turn you on, I'd work you all night long", il radote l'ami Maniaco), les compositions, elles, gagnent encore en savoir-faire.

L'autre titre notable est "Sexuality", qui contrairement à ce que son titre pourrait laisser penser n'est pas une nouvelle supplique à la débauche mais un surprenant appel à la révolution ! Et oui, Prince commence à lever les yeux de son nombril et de ce qu'il y a juste en dessous. Le message reste touchant de naïveté, oublions nos différences en nous mettant à poil, mais c'est sa première incursion dans le réel.
Il lorgne du coté de la new-wave avec l'autre titre "sérieux" de l'album, "Annie Christian", dans lequel il aborde plusieurs sujets d'actualité très dramatiques de l'époque : le meurtre de John Lennon, un Serial Killer ayant tué plus de vingt enfants et ados noirs à Atlanta et une affaire de corruption d'élus américains (l'affaire de l'ABSCAM). Dans une ambiance glaciale de sons synthétiques, Prince y dépeint une société ultra violente et raciste sous un vernis religieux.
Cette chanson est le contre-pied parfait de "Ronnie talk to Russia", nettement moins convaincante musicalement parlant, qui répète en boucle un message d'une importance capitale : que le Président des USA cause à celui de l'URSS avant que ça pète ! Waow, ça c'est de l'analyse politique !

Conclusion d'une trilogie commencée avec les albums "Prince" et "Dirty Mind", "Controversy" est aussi la dernière production qui "sonne" 70's (en 1981, il était temps !). Prince y cultive son image de jeune obsédé mais se rhabille sur la pochette, ajoutant une dimension plus réfléchie dans les thèmes abordés, histoire d'être pris au sérieux. Et surtout il muscle encore ses compositions, acquiert une maîtrise qui lui permet d'imposer définitivement son style. Bref, il est prêt pour la gloire.

Controversy
Sexuality
Do me, Baby
Private Joy
Ronnie, Talk to Russia
Let's Work
Annie Christian
Jack U Off



MPLS Funk : 1999 (Octobre 1982)
Si les quatre albums précédents peuvent être considérés comme l'affirmation, étape par étape, du personnage Prince, "1999" est celui de la confirmation de son statut de Star aux USA. C'est avec cet album qu'il va s'imposer définitivement sur son sol natal, notamment grâce à la sympathique Ballade Rock "Little Red Corvette".
Un clip fleur bleue et une diffusion régulière sur la toute nouvelle chaîne nommée MTV, et voila l'ex-paria des médias, occulté pour cause d’obscénités répétées, devenu acceptable pour le grand public. Il faut dire que l'année 1982 est aussi celle de la consécration pour un autre artiste noir américain, Michael Jackson et son époustouflant "Thriller", dont le succès planétaire justifié éclipse quelque peu celui, plus modeste, du Kid de Minneapolis.

Prince tient son premier "gros" Hit en édulcorant sa formule magique, cependant le reste de l'album fait moins de concessions. Passé maître dans l'art de la programmation des "drum-lines", l'artiste nous livre son plus impressionnant titre Funk jusqu'alors. Avec sa célèbre rythmique électro imbriquée dans un gimmick accrocheur, l'imparable "1999" ouvre le bal façon "dance" dense d'apocalypse ("don't worry I won't hurt U, I only want U to have some fun"). On y décèle aussi, rétrospectivement, l'embryon du futur Hit de l'album suivant, "Let's go crazy".

Il conserve son coté bravache avec l'excellent "Let's pretend we're married", une composition Funk-Rock semblant échappée d'un ancien album où il est question, comme d'hab, de tester ses talents à l'horizontale jusqu'à plus soif, quitte à dérailler complètement sur la fin ("I wanna fuck U so bad it hurts, it hurts, it hurts / I sincerely wanna fuck the taste out of your mouth"). Ou encore "D.M.S.R", hymne aux beautiful people qui hantent les dancefloors, à la rythmique lourde et au refrain scandé comme un slogan ("Dance, Music, Sex, Romance !", voila enfin un véritable projet politique ; -).

Le reste des chansons prend un tour nettement électro, notamment les excellents "AUTOmatic" et "Something in the water (does not compute)". La tonalité inquiétante et les paroles zarbis donne une ambiance inédite, entraperçue précédemment avec le titre "Annie Christian", qui tranche résolument avec le style jusqu'alors romantique ou festif de Prince. L'amour obsessionnel décrit dans "AUTOmatic" montre le coté angoissant d'une passion exclusive ("No1 else could understand U, you're 2 complex, They say nothing's perfect, but they don't know U"). Le titre se termine sur un choeur de femmes en pleurs, après cette sentence implacable "I can hear U, I'm going 2 have 2 torture U now". Bonjour la flippe. Idem concernant "Something in the water", Prince passe en mode parano lorsqu'il ne parvient pas à satisfaire sa bienaimée ("Must be something in the water U drink 'cuz why else would a woman wanna treat a man so bad?").
Les deux titres Rock de l'album, "Lady Cab Driver" et "All the Critics love U in New York", nerveux et efficaces, sont eux aussi décalés par rapport à ce que proposait l'artiste naguère. Prince réussi à mêler une sorte de mystique poétique avec un second degré libérateur dans l'écriture de ses textes, et reste incroyablement inspiré mélodiquement, partant dans des solos guitaristiques bien démonstratifs de ses capacités. Dans le premier il tente de se libérer de lui-même, s'évader de la solitude à l'aide d'une chauffeuse de taxi ("Lady, I'm so lonely, I know that's not the way 2 be, Don't want isolation, but the air it makes me cold, Drive it, baby, drive it, drive this demon out of me"). L'escapade escalade jusqu'au climax lors duquel notre Prince règle ses problèmes en prenant la jeune femme à la hussarde, probablement sur la banquette arrière de son taxi. Bah oui, on ne se refait pas. Le garçon continue à régler ses comptes dans "All the critics", cette fois avec l'hypocrisie du milieu artistique dans lequel il évolue depuis maintenant quelques années ("U don't have 2 keep the beat, they'll still think it's neat - in New York").

1999 est le premier double-album de Prince. Cela est en partie du à la durée des titres, qui pour la plupart dépassent allègrement les cinq minutes. S'il reste quelques vestiges de la première époque Princière avec des chansons Pop anecdotiques comme "Delirious" et les slows un peu datés "International Lover" ou "Free", la matière principale de cette production est neuve, et peut être vue comme le pont hybride entre la période Funk-Disco "Dirty Mind" et le choc Rock "Purple Rain".
Avec ses longues plages instrumentales inventives, ses sonorités nouvelles, ses textes plus aériens, cette production permet à Prince de prendre une envergure qui préfigure ses futurs chefs d'oeuvre.

1999
Little Red Corvette
Delirious
Let's pretend we're Married
D.M.S.R.
A-U-T-O-matic
Something in the Water (does not compute)
Free
Lady Cab Driver
All the Critics loves U in New York
International Lover



World Music : Around The World in a Day (Avril 1985)
Alors qu'une pluie de récompenses inonde "Purple Rain", Prince et ses "Revolution" ont déjà la tête ailleurs. Moins d'un an après la sortie de son hit planétaire l'artiste a confectionné une nouvelle production radicalement différente, au grand dam de sa maison de disques. Le changement de cap s'opère par une sélection d'instruments inédits chez Prince, sitars, violes, sonnettes, tambour et oud arabe, pour explorer un style Pop-Folk façon World Music. Cela s'accompagne d'une évolution du style vestimentaire, façon post-Hippie. La pochette est une peinture naïve montrant divers personnages sur fond de paysage bucolique (qui, en s'y attardant, est un nu de femme).

L'ouverture de l'album sur le titre éponyme en est le meilleur exemple, donnant une ambiance orientale dans une invitation à un trip rêvé autour du monde, pour atteindre un idéal beatnik ("A government of love and music boundless in its unifying power").
Tout cela respire le Peace and Love détendu du slibard (ça nous change !), à l'instar des deux titres Pop phares de "AtWiaD" : l’envoûtant "Paisley Park" et le bijou de légèreté "Raspberry Beret". Baignant dans une atmosphère Baba-Cool, avec des textes célébrant la recherche du bonheur et le plaisir du coup de foudre pour une inconnue, on nage dans la pureté innocente. Elle est loin l'époque du string et des attitudes provocantes, et pourtant on reconnait instantanément la patte Princière.

Un climat psychédélique consensuel qui n'empêche pas l'auteur d'égratigner ses compatriotes. "America", la seule chanson purement Rock de l'album, malmène l'hymne Américain avec un message clairement politisé ("Aristocrats on a mountain climb / Making money, losing time"). Dans "Pop Life" il combat sur un air piano-pop entêtant la sinistrose ambiante en nous avisant de ses conseils éclairés pour faire fasse à nos problèmes du quotidien et éviter le choix des paradis artificiels ("What U putting in your nose, Is that where all your money goes? / Life it ain't real funky, Unless it's got that pop").

L'émouvant "Condition of the heart" marque une progression significative pour Prince dans l'écriture de ses ballades. Le thème magique au piano est soutenu par une performance vocale étonnante. Sa voix se fait tremblante, laissant transparaître une faille qu'on avait pas l'habitude d'entendre chez le control-freak. L'homme y raconte une nouvelle fois l'abandon amoureux, malgré sa renommée et sa richesse une personne aura toujours d'insolubles problèmes de coeur.
Le dernier titre de l'album, le fébrile "Temptation", est probablement la moins sincère mais la plus spectaculaire déclaration de l'artiste. En mode Luxure sur fond de saxo torride, il commence par faire état de sa condition d'obsédé sexuel. On connaissait déjà l'animal ("Working my body with a hot flash of animal lust", il est chaud-bouillant le Roger !). Mais devant cette overdose de concupiscence, Dieu intervient carrément dans la chanson, sermonnant vertement le malotru qui fini par se repentir et conclu sur un hypocrite "Love is more important than Sex, now I understand". Un beau retournement de veste pour l'homme de "Dirty Mind". Mais c'est surtout la marque d'une prise de conscience d'un garçon de 27 ans qui gagne en maturité.

Avec "AtWiaD", Prince prouve qu'il fait partie des artistes qui créent les modes. Cet album reste un de ceux restituant le mieux son univers, ce mélange improbable de plusieurs genres musicaux portant une identité singulière, celle d'un auteur-compositeur-interprète innovant, en avance sur son temps.

Around The World in a Day
Paisley Park
Condition of the Heart
Raspberry Beret
Tamborine
America
Pop Life
The Ladder
Temptation



Electro-Jazz : Parade (Mars 1986)
Comme pour l'album précédent, dont il est un prolongement muté, plus sophistiqué, "Parade" est traversé de multiples courants musicaux dopés par l'alchimiste Prince. L'atmosphère se fait plus électro que jamais, les rythmiques adoptent des sons nettement métalliques, adoucies par les cuivres et la présence de plus en plus prégnante des musiciens du groupe "Revolution", au premier rang desquels on trouve les talentueuses Wendy et Lisa. Le duo participe activement à la création de certains titres, et partage l'affiche avec le maître dans le clip du single de l'album, "Kiss".
Parlons donc de ce chef d'oeuvre. "Kiss" reste dans les mémoires comme un hommage au Funk qui a bercé l'enfance de Prince, un Classique aussi risqué que "When doves cry" en son temps, avec ce travail audacieux sur la rythmique, sans soutien de guitare basse, et cette voix qui se promène sur la gamme. Niveau paroles il coche toutes les cases qui font tilt chez son auditoire féminin : pas besoin d'être belle, expérimentée, riche ou même cool pour taper dans l'oeil de la Star. Il suffit d'être disponible et laisser le maître faire ! Facile, non ? ;-)
Trois autres compositions font également preuve de la prise de risque de Prince à s'aventurer dans le minimalisme décalé, "Life can be so nice", "New position" et "I wonder U". Certainement les plus étranges et emblématiques chansons de l'album, on y retrouve ce tempo syncopé en écho, ces bruits trafiqués et ses paroles éthérées, qui donne un genre très avant-garde à l'ensemble. Avec l'apport de Wendy et Lisa, ces titres invitent à l'expérimentation tous azimuts ("Let's try a new position"), à la recherche de l'inspiration la plus lointaine ("I dream of u 4 all time, 4 all time Though u are far, I wonder u, u're on the mind"). L'objectif ? la plénitude absolue ("A wonderful world, paradise, Kiss me once, kiss me twice. Life can be so nice").

L'artiste sait aussi revenir à des formes plus accessibles, tout en restant résolument hype. "Girls and Boys", autre Standard Electro-Jazz Princier, contient un passage "rappé" entièrement en Français ("Vous dansiez si fort, je sentais votre parfum", la Classe internationale !). Cette chanson est à elle toute seule un catalogue complet du top de la branchitude de 1986. Sur le thème éternel du garçon aimant une femme promise à un autre, notre Prince déploit l'artillerie lourde coté séduction. Costumé façon dandy gigolo à l'ancienne, virevoltant sur un piano dans une ambiance "années folles", qui peut résister lorsqu'il clame : "She had the cutest ass he'd ever seen. He did 2, they were meant 2 be!" / "Hear the words I'm saying, Feel the sex I'm laying, Naughty's what I wanna be with u tonight".
Mountains, d'une tonalité plus Pop, dégaine les trompettes Jazzy pour un thème qui devient obsédant au fil des écoutes, sur un texte célébrant la puissance de l'Amour éternel, comme les montagnes et les océans millénaires. Dans un registre musical identique on savoure "Anotherloverholenyohead", où il est question d'une séparation dont on se demande, avec le recul, s'il ne s'agit pas en sous-texte de la dissolution du groupe "Revolution" ("We were brothers and sisters, United all for love / Now all of the sudden, U try 2 fight it / U say you've had enough / Even though we had big fun, u want another someone").

Autre perle de l'album, la ballade triste "Sometimes it snows in April", qui rappelle "Condition of the Heart" par la simplicité de sa composition et sa puissance émotionnelle. Les paroles content le triste sort de Christopher Tracy, héros du film "Under the Cherry Moon" dont "Parade" est la Bande Originale. Il ne fait aucun doute que c'est grâce au succès du film "Purple Rain" que Prince obtint le droit de tourner cet OCNI (Objet Cinématographique Non Identifié) en noir et blanc. On le voit en gigolo, costumé façon années 30, tenter de gagner les faveurs d'une riche et jeune héritière (jouée par Kristin Scott Thomas, alors débutante). Cette comédie dramatique romantique, parodie de Roméo et Juliette version super-branchée, vaut surtout pour ces numéros musicaux et ces scènes comiques entre Prince et son complice Tricky (alias Jerome Benton). Son statut Culte est renforcé par le fait que le film a été tourné dans les environs de Nice, en France.

Parade reste un album kitch, dans le bon sens du terme, en partie mystique déglingo inquiétante, en partie célébration naïve de la joie. Une parade n'est-elle pas justement un joyeux défilé de musiciens en costume ? La réponse est sans doute dans le fanfaresque "Christopher's Tracy's Parade" d'ouverture, qui lorgne du coté du "Magical Mystery Tour" des Beatles.
Parade est aussi et surtout le dernier album sur lequel Prince s'associe à son groupe "Revolution" (même si la plupart des musiciens et choristes se retrouveront sur l'album suivant). Une fois de plus Prince surprend son monde et dévoile avec cette production une nouvelle facette, celle d'un artiste à la pointe qui prend des risques et qui construit année après année une oeuvre cohérente qui marquera toutes les 80's.

Christopher Tracy's Parade
New Position
I wonder U
Under the Cherry Moon
Girls & Boys
Life can be so Nice
Venus de Milo
Mountains
Do U Lie?
Kiss
Anotherloverholenyohead
Sometimes it snows in April



Le coté Obscur : The Black Album (Décembre 1987 et Décembre 1994)
Après avoir triomphé auprès du public et des critiques, restait encore un élément pour parfaire la légende de Prince. Il lui manquait l'album maudit, l'inaccessible au commun des mortels, le fantasme ultime du Fan. Ce sera chose faite fin 87, où la Warner s’apprête à faire un coup Marketing en sortant le nouveau Prince en mode furtif, une pochette noire sans annotation -pas même le nom de l'artiste-, et avec un soutien promotionnel minimal.
L'excitation est à son comble, des "fuites" d'extraits de l'album sont savamment organisées, son nom de code est "The Funk Bible". Et puis, à une semaine de la sortie, pschitt ! Disparition ! "Circulez, y'a rien à voir", nous dit-on chez Warner.
De là naît le mythique "Black Album".

Les raisons pour lesquelles Prince demanda son retrait restent encore aujourd'hui obscures. Si l'on s'en tient à la version officielle, il s'agit d'une soudaine prise de conscience que cette production était trop négative et que l'artiste ne souhaitait pas la laisser comme dernier témoignage de son oeuvre si jamais il devait disparaître. Un coup de fil au patron de Warner et voila les quelques centaines de milliers de CD et Vinyles déjà pressés qui se retrouvent à la benne.
La version officieuse est plus savoureuse, un bad trip à l'Ecstasy qui aurait donné un gros coup de flippe au Prince, lui collant des visions apocalyptiques seulement calmée par une poétesse du nom d'Ingrid Chavez, qui l'aurait convaincu de se débarrasser de l'oeuvre démoniaque.

Le résultat est un énorme coup de pub et un des albums les plus bootleggés de tous les temps. Les versions Vinyle et CD originales sont très rares et les faux très nombreux. On ne verra sa sortie officielle qu'en 1994 chez Warner ("The Legendary Black Album") en édition limitée.

Le "Black Album" est une réponse à la sophistication et à la préciosité empruntés des productions Princières précédentes, de "Around the World" à "Sign 'O'" en passant par "Parade". L'artiste se sentait-il débordé par la vivacité fracassante de la culture Hip Hop et Rap ? Nombre de ses collaborateurs disent qu'il a conçu cet album pour répondre aux critiques disant qu'il s'était éloigné de ses racines noires américaines. Ses rencontres avec des sommités du Jazz comme Miles Davis l'ont sans doute poussé à moins se "contrôler", laisser libre cours au feeling, ce qui donne une de ses production les plus dépouillée et intense.

Ce retour au Funk débridé mâtiné d'effluves Jazz s'accompagne de textes régressifs. On quitte le sérieux philosophique de "Sign 'O' the Times" pour replonger, avec une certaine jouissance disons-le, dans le festif et la provoc salace. "Le Grind", exemple parfait de party song, lance le méchant tempo. Il est suivi de "Cindy C.", une supplique groovy au Mannequin Cindy Crawford, auquel Prince promet de payer "le tarif habituel" pour "jouer" avec elle, autant la traiter de pute, direct. Il en rajoute dans le coté pervers-pépère : "I'm sure you're quite intelligent, A whiz at math and all that shit, But I'm a tad more interested in flyin' your kite tonight".

Dans un autre versant de l'album Prince se fout carrément du Gangsta-Rap, avec un mépris affiché pour la plupart des rappeurs dans "Dead on it", et une parodie de films de mafia ambiancée avec fusillades en fond sonore, "Bob George". Ces compositions minimalistes, mécaniques presque uniquement basées sur les rythmiques, sont des charges musclées envers un courant musical totalement occulté par Prince.
Dans "Dead on it" on l'entend se moquer des rappeurs "sourds comme des pots" incapables de chanter, qui déservent la cause ("What does that have 2 do with the funk ? Nothing, but who's paying the bills ?"). "Bob George" est un monologue de petite frappe qui s'en prend à sa petite amie (ou est-ce un tapin ?) de manière ultra-violente, pour une sordide histoire (elle a rencontré le Manager d'un certain... Prince, "That skinny motherfucker with the high voice"). La dispute dégénère en échanges de coups de feu avec la Police.

Les titres les plus excitants sur le plan musical sont les déjantés "2 Nigs United 4 West Compton", instrumental hommage sous acide à Miles Davis période "Bitches Brew" et "Superfunkycalifragisexy", qui semble être un compte-rendu de la fameuse première et unique expérience de Prince avec la drogue (la raison officieuse de l'abandon du "Black Album"). On y entend cette confession azimutée : "If u do 2 much, your skin'll be sensitive 2 the touch, The first person that touch u, u want 2 fuck / U take them 2 your crib and u tie them 2 a chair, Then u make funny faces til they get real scared / Then u turn on the neon, then u play with yourself, Til u turn them on".
La seule ballade de l'album est "When 2 R in Love", décevante et déplacée dans cette production rageuse. "Rockhard in a Funky Place" conclut l'album. Il s'agit d'un outtake du projet "Camille", on reconnaît la voix trafiquée speed up. Le style nonchalamment cool, passant des cuivres Jazz à la guitare électrisée, termine en beauté la sombre odyssée sur un bilan édifiant : "I just hate 2 see an erection go 2 waste". Voilà, tout est dit.

Le "Black" est une curiosité dans la trajectoire discographique Princière. C'est le premier "accroc" dans une ascension jusqu'alors maîtrisée et il sera suivi de beaucoup d'autres.
D'un accès difficile, du fait de son aspect brut sans concession, avec son message anti-rap aujourd'hui démodé, l'album est communément désigné comme le "coté obscur" de l'artiste et celui-ci dit regretter l'avoir enregistré. Les fans ne regrettent pas de l'écouter, c'est le principal.

Le Grind
Cindy C.
Dead on it
When 2 R in Love
Bob George
Superfunkycalifragisexy
2 Nigs united 4 West Compton
Rockhard in a Funky Place


Euphorie mystique : Lovesexy (Mai 1988)
Enregistré dans la foulée de la crise de conscience après l'abandon du "Black Album" (voir Chronique précédente), l'album "Lovesexy" en est l'exact antithèse. Loin du bruit et de la fureur de sa production avortée, Prince y dévoile une vision glorifiant la pensée positive par le prisme religieux. Pour cela il abandonne tous les codes, en s'éloignant des genres musicaux "classiques" (pas de titres Rock ou Funk) pour inventer une Pop orchestrale mystique, et en osant casser son image pour s'acheter une pureté virginale. Le top du kitch s'affiche sur la pochette, un Prince nu et apaisé, posant parmi les orchidées, masquant un sein comme la Vénus de Botticelli.

Cette production est parmi les plus personnelles de Prince. Dès le premier morceau, "Eye No", il fait le trait d'union avec ses "égarements" passés et chante sa foi, "I know there was confusion lightnin' all around me, That's when I called His Name, don't you know he found me". On retrouve ces confessions dans "Anna Stesia" ("Save me Jesus, I've been a fool, How could I forget that You are the rule"), titre encore plus intime puisqu'il narre en filigrane l'épisode de sa rencontre avec Ingrid Chavez, sa muse l'ayant convaincu de renoncer au "Black Album" ("And then a beautiful girl the most, Wets her lips 2 say, We could live 4 a little while, If U could just learn 2 smile, U and I could fly away, fly away")

Les mélodies se font complexes, une symphonie de cuivres accompagne des violons synthétisés, souvent rejoints par de bonnes rasades de guitares. Cette fusion explose avec le single de l'album, "Alphabet St.", brillante parodie Pop avec son gimmick Yeah-Yeah-Yeah, élaborée sur une ligne rythmique très travaillée. C'est surtout avec son clip volontairement ringard, où l'on voit Prince danser sur le toit de sa voiture Thunderbird, bardé de signes Peace and Love et de trucages old school, qu'on se dit que cet artiste est définitivement à part. A ce sujet les amateurs auront remarqué ce texte passant de manière subliminale dans la vidéo : "Don't buy the Black Album, I'm sorry".
Les fulgurances harmoniques de "Glam Slam" confirment qu'on est bien en présence d'un concept-album. Mêmes sonorités, mêmes cadences et paroles de prédicateur en extase qu'on retrouvera dans les titres "Lovesexy" et "Positivity". L'artiste loue l'inspiration divine qui le transcende, reprenant ses monologues de personnages aux voix modifiées pour instaurer un dialogue avec son auditoire ("This thing we got - it's alive! It seems 2 transcend the physical", "This feeling's so good in every single way, I want it morning, noon and night of every day"). Ces trois titres sont l'ossature de l'album, une célébration dévote de la joie, qui parcoure l'ensemble de l'oeuvre en mêlant allègrement guitare électrique en sous-main et synthés rappelant un ensemble tantôt Classique, tantôt Jazz.
Le monde extérieur n'apparaît que lointainement, dans l'électrique "Dance On". Et le constat est amère, Prince y condamne l'hyper-violence ("Grenade Launcher roars in a television sky, Tell me how many young brothers must die") et propose de changer la société ("It's time 4 new education, The former rules don't apply").

A noter que dans sa version CD originale, "Lovesexy" n'a qu'une seule plage musicale de 46 mns. C'est une volonté de l'artiste, ayant conçu l'album comme un tout, une épopée cohérente aux enchaînements subtils. A ce sujet l'inclusion de "When 2 R in Love", déjà présent dans le "Black Album" mais évidemment plus à sa place ici, perfectionne le projet. Ce slow romantico-sexuel célèbre l'union physique dans un style Princier comme d'habitude très équivoque ("Let me touch your body 'til your river's an ocean"), signifiant que même si Prince est touché par une épiphanie sur la signification de sa vie il n'en reste pas moins toujours très porté sur la chose.

Avec cette production en dehors des courants musicaux à la mode, Prince s'éloigne du grand public mais gagne en sincérité. Sur "Alphabet St." il parvient une nouvelle fois à sortir un single imparable et unique, une porte d'entrée pour un univers Pop-Culte foisonnant. Le genre d'album-concept qu'on réécoute, encore et toujours, pour découvrir à chaque fois quelque chose d'inédit. C'est suffisamment rare pour faire de "Lovesexy" un album exceptionnel.

I No
Alphabet St.
Glam Slam
Anna Stesia
Dance On
Lovesexy
When 2 R in Love
I wish you Heaven
Positivity



Pépites et Gravats : The Gold Experience (1995)
The Gold Experience porte bien son nom, on y ressent l'excitation du chercheur d'or : parfois on tombe sur de pures pépites, parfois sur des caillasses sans intérêt. Comme beaucoup des albums produit par Prince dans les 90's, TGE propose son lot de déceptions et de valeurs sûres, avec un effet "Montagnes Russes" sur l'auditeur averti.
Replaçons-nous dans le contexte. Nous sommes en pleine guerre comme Warner Bros, la Maison de Disques qui détient les droits d'édition des albums Princiers et à qui l'artiste doit encore contractuellement fournir des biscuits pour remplir ses galettes. Ces déboires juridiques n'empêchent pas O(+, entité au nom imprononçable créée pour se libérer du joug Warnerien, de suivre une carrière parallèle à coups de Live et d'apparitions télévisées.

Dès 1993 il balance un single nommé "The Most Beautiful Girl in the World", slow doucereux qui devient un Hit planétaire sans apparaître dans aucune des productions officielles de Warner (le triple-CD Best Of "The Hits - The B-Sides" et l'album "Come" de 1994). O(+ pousse la blague jusqu'à sortir deux autres albums sous le nom de son groupe, N.P.G., tandis qu'il bataille pour imposer "The Gold Experience" auprès de Warner.
Nous voila donc en Septembre 1995, après un accouchement de près de deux ans l'album pousse enfin son premier cri dans les bacs.

Les titres puissamment Rock sont à l'honneur. "Endorphinmachine" replace la guitare électrique conquérante et la puissance vocale au centre de toutes les attentions. Le titre se termine sur cette annonce en espagnol : "Prince esta muerto" (Prince est mort !). "Now" signe le retour de la party song en mode vénère, avec un message aussi basique qu'efficace ("This about the freaks doing everything they wanna do, now!").
3 19 part dans le trip Cyber survolté. Les sonorités sèches, faites de courts samples gonflés de testostérone, accompagnent une guest du nom d'Ophélie Winter à qui O(+ promet une chaude soirée ("Lock the door and kill the phone, My camera, U and me alone").
Dans un style R and B stylé New Jack, "P. Control" et "Billy Jack Bitch" sont un peu moins convaincants. Compositions répétitives et textes pas franchement captivants. Dans le premier on a droit à une fable sur le Pussy Control, qu'on traduira pudiquement par "Le combat pour la reconnaissance des droits des Femmes" (en fait, ça veut dire "Le pouvoir de la Chatte" ; -). Le second est un règlement de compte avec une vraie journaliste américaine allumant l'artiste à longueur de papiers, qui nous laisse un peu à l'écart par son coté embrouille mesquine.

Les trois meilleurs morceaux de l'album sont des ballades. Le fabuleux "Shhh" est un retour aux fondamentaux, où le maître-chanteur détaille minutieusement la performance charnelle qu'il va délivrer à sa promise avec pour seule contrainte, de taille, de se retenir de hurler de plaisir ("I don't want nobody else 2 hear the sounds, This love is a private affair"). Dans "Shy" O(+ chronique une rencontre avec une affabuleuse sexy, peut-être membre d'un gang. Le style cool de la structure musicale dénote avec le contenu plutôt hard du texte ("A friend of mine, he got killed and in retaliation I shot the boy twice in the head, No regrets, no sorrow - I'm goin' back 2morrow 2 make sure he's dead").
Un des slows les plus accomplis de Prince couronne "The Gold Experience". Avec "I Hate U" l'auteur combine son art consommé de la mélodie voluptueuse avec des paroles outrageusement torturées ("I hate U cause I love U but I can't love U cause I hate U"). Ici il nous fait la complète, on a même droit à une séquence dans un tribunal où la chérie fautive est jugée pour avoir brisé le coeur du plaignant ! Tellement too much, mais tellement bon ; -).

L'album se referme sur "Gold", envolée philosophico-mystique nous invitant à méditer un certain nombre de sentences sur le sens de la vie ("What's the use of bein' young if U ain't gonna get old? / All that glitters ain't gold"). Cette conclusion sied à merveille une production très riche dans son ensemble, si l'on s'abstient de considérer les titres oubliables ("We march" et "Dolphin") et les facilités New Jack Swing, déjà citées.

Comme pour l'album "Love Symbol" de 1992, "The Gold Experience" n'a plus la singularité inimitable des oeuvres Princières des 80's. Il faut se faire une raison, l'époque n'est plus à la révolution. Mais l'artiste est là, il continue d'absorber les tendances musicales de son temps. Son combat pour libérer la création préfigure les batailles des années 2000 dans l'industrie du Disque.

P. Control
Endorphinmachine
Shhh
We March
The Most Beautiful Girl in the World
Dolphin
Now
319
Shy
Billy Jack Bitch
I Hate U
Gold



Wild & Funky : Exodus (NPG) (1995)
Tandis qu'il règle ses comptes et aborde quelques sujets sérieux dans "The Gold Experience", The Artist sort en catimini un autre album la même année. Beaucoup plus léger et fun, Exodus est le pendant "festif" de la production Princière de 1995. Planqué derrière un pseudo qui annonce la couleur, Tora Tora, Prince laisse son groupe NPG aux manettes et Sonny T. au chant. Ceci n'empêche pas notre obsédé du contrôle de poser son empreinte sur 99% de la composition des titres et d'assurer la plupart des "backing voice".
L'ambiance de bringue débridée est présente d'un bout à l'autre de la galette, entrecoupés de sketchs comiques mettant en scène les musiciens du NPG et l'Artiste. Le message d'intro explique le projet, entre pure déconnade et manifeste pour la liberté (The Artist est toujours en lutte contre Warner Bros pour récupérer ses droits) : "Get Free / Get Smart / Get Wild". Puis enchaîne sur la locomotive "Get Wild", le single pêchu embarquant l'auditoire dans le Funky train. Le programme de la soirée est on ne peut plus clair : faire la teuf.
On savoure un instrumental imparable, "New Power Soul", précédé d'une hilarante entrée en matière. Le NPG Gang, soûlé par la musique naze d'un Club local (on reconnait "Dream Factory", titre de Prince, en fond sonore !), malmène le pauvre DJ et prend le contrôle du dancefloor avec un bijou de savoir-faire Jazz-Groove. Tempo irrésistible, démonstration classieuse de la section Saxos/Trompettes, tout paraît tellement simple avec un groupe qui domine.
Plus tard "The Good Life", autre trip à la cool, voit le groupe fantasmer sur une vie rêvée à la Marcello Mastroianni dans "La Dolce Vita". Le titre tire vers la Pop mais reste dans le ton avec sa mélodie badine qu'on s'imagine écouter au volant d'une décapotable sous le soleil Californien.
Return of the Bump Squad garde le cap musical, funky à souhait avec son parfum rappelant les productions "The Time", tout en lâchant quelques sentences de prêches un tantinet lourdingues dans le contexte : "Find a job, lose the herb", "Nothin' can save U, unless his name is God", "Add an E to Rap and it spells Rape". Est-ce du second degré ? Va savoir.

L'ambiance se fait plus lourde sur "Big Fun". Le sketch d'intro est cryptique : un des zikos du NPG découvre une lettre d'adieu de sa petite amie, tandis qu'en fond sonore la TV diffuse un dialogue comique de Prince en mode "gangsta". Le morceau convoque par certains cotés "Gett Off" avec toutefois un tempo plus relax, reprenant les subtiles paroles de dragueur patenté made in Roger ("Psychedelic mama, Tell me girl what's your sign? / U and me should get 2gether / It wouldn't be a waste of time").
Le slow de l'album, "Cherry Cherry", bascule presque dans la parodie tant il est musicalement dégoulinant de miel. Mais son texte est l'histoire d'une trahison amoureuse qui se termine par le suicide d'une femme après le meurtre de son ex par son mari. Du second degré digne d'une comédie noire, une petite pique à tous ces chants romantiques aux paroles creuses déjà entendus mille fois. Comme quoi il ne faut jamais se fier à l'air et bien écouter le discours.

Le dernier quart d'heure d'Exodus est un sans faute. Le sketch fendard "New Power Day" conte la journée pourrave d'un Prince en voix trafiquée façon Tony Montana, faisant de mauvaises rencontres dans la rue pour finir par se faire jeter par sa girlfriend portoricaine. Il enchaine sur le superbe "Hallucination Rain", version malmenée du classique "Purple Rain" dans une lente montée psyché-délicieuse qui s'explose la foufoune en bouquet final.
La conclusion de l'album invoque les spectres de George Clinton et du Parliament Funkadelic. "The Exodus has begun" débute par l'attaque d'un vaisseau spatial, avec encore une parodie de Prince, cette fois en Captain obnubilé par sa conquête du monde par l'entremise de son "Endorphin Machine" (titre Rock présent sur "The Gold Experience"). Le groupe NPG aborde le vaisseau et en prend le contrôle, façon B-Movie des années 60. Le titre est un hymne Funky-Jazzy vigoureux dont le refrain résume le thème de l'ensemble, l'âme éternelle du Funk Noir-Américain : "Generation after generation, the soul will never die // We don't cry, we don't die, we just multiply". Les derniers mots sont une dédicace qui en dit long sur l'état d'esprit de l'Artiste : "This shit is dedicated to the memory of His Royal Badness / I know his name, that muthafuckin' Prince, Rest in peace nigga". Prince est mort et enterré, mais rassurez-vous âmes sensibles, il renaîtra quelques années plus tard !
Comme le précédent album des NPG, Gold Nigga, Exodus est une oasis récréative dans une discographie plutôt sérieuse en générale. La dose d'humour prouve que Prince sait se moquer de lui-même, une facette du personnage qu'on a pas l'habitude de constater dans sa production Studio. Les compos vitaminées sauce 90's qui parsèment le LP en font un album Funk poilant qu'on prend plaisir à réécouter.

N.P.G. Operator Intro
Get Wild
Segue
DJ Gets Jumped
New Power Soul
DJ Seduces Sonny
Segue
Count the Days
The Good Life
Cherry, Cherry
Segue
Return of the Bomb Squad
Mashed Potatoe Girl Intro
Segue
Big Fun
New Power Day
Segue
Hallucination Rain
NPG Bum Rush the Ship
The Exodus has Begun
Outro


L'album acoustique : The Truth (Crystal Ball - 1998)
Prince succombe à la mode de l'album acoustique en 1998. Il profite de la sortie de sa compilation "Crystal Ball", recueil de tous les titres qu'il a autorisé à s'évader de son Vault, pour y adjoindre "The Truth", 12 chansons majoritairement composées à la guitare acoustique. Evidemment ce projet Princier n'est pas un traditionnel Best Of de Hits tous nus mais des titres inédits spécialement écrits pour l'occasion intégrant parfaitement le concept.
Cela donne un album folk et blues se focalisant sur les mélodies, obligeant les auditeurs à se concentrer sur cette voix indéfinissable à laquelle nous sommes habitués depuis 20 ans mais que nous oublions parfois face à la virtuosité du gars lorsqu'il aligne les démonstrations de solos de guitare électrique et empile les harmonies complexes dans ses compositions. Cela permet aussi de redécouvrir la qualité de parolier du bonhomme, rarement soulignée dans son oeuvre.
Comme notre homme est espiègle il change les règles au fil des chansons, rajoutant parfois des percutions, voire de discrètes incursions d'autres instruments ou effets vocaux. Mais pour l'essentiel il s'en tient à la promesse de départ : sa voix seule, soulignée par une guitare sèche.

"The Truth" abordent des thématiques habituelles chez Prince, une part importante est accordée à l'amour sous des formes tour à tour romantiques et bien sûr sexuelles. Des Ballades caliente comme "The Other side of the Pillow" dans lequel il se sent tel Clyde avec Bonny ("Bad as Bonny when she ran with Barrow (Clyde), When U kiss me, feels like I'm committing a crime") ou dans "Circle of Amour" où il narre les après-midis chauds de quatre lycéennes -ou peut-être même collégiennes- lorsqu'elles sèchent l'école pour s'adonner aux plaisirs saphiques ("4 hands in the place where the feet connect, Gang of 4, Circle of sex, In the vicious race 2 maturity, They're almost phased from ecstasy").
La dose de lyrics osées ne s'arrête pas là. Dans la série des amours contrariées Prince livre quelques témoignages tragi-comiques sur une relation piteuse dans "One of your tears" ("Did U get the tape I sent U? I thought it be better in a song, Better than the used condom U sent me, Baby that was wrong") et sur certaines pratiques originales dans "Man in a Uniform" ("She said 2night I want your violent tongue 2 swallow my stench and be loyal 2 me, She'll never be free, Until U do me like a man in a uniform").

"Comeback" est peut-être un des titres les plus personnels jamais sorti par Prince, en ce sens que les paroles peuvent être interprétées comme un hommage à son bébé décédé quelques jours après sa naissance, en 1996. Prenant la forme d'une courte ballade mélancolique, l'artiste évoque le souvenir d'un être disparu ("Walking up the stairs, Just the afternoon, Sweet wind blew, Not a moment 2 soon, I cry when I realized, That sweet wind was U"). Prince a probablement considéré cette épreuve comme un signe divin, un test de sa Foi face à une douleur qu'on imagine incommensurable. Lorsqu'une personne pense que sa vie est gouvernée par une entité omnipotente, la seule interprétation possible d'un tel drame est limpide : un message clair lui interdisant d'avoir une descendance et la certitude de le revoir dans l'au-delà ("If U ever lose someone dear 2 U, Never say the words their gone, They'll come back").

Dans un versant plus "sociétal", notre Prince quarantenaire assume sa maturité dans "Don't play me", rappelant qui est le Boss ("I've been to the mountain top and it aint what U say, Don't play me, Don't play me, I'm the wrong color and I play guitar, My only competition is, well, me in the past"). Faut pas le chercher, le vieux kid. Il est croyant ("Ultimately the only one That can save U is U, Your God is inside", dans "3rd Eye"), Végétalien ("We're all members of the animal kingdom, Leave your brothers and sisters in the sea", dans "Animal Kingdom") et tout va très bien pour lui, merci, contrairement à l'état global du monde ("The dream U keep dreaming, is better than the life U lead", dans "Fascination").
Tout est résumé dans les titres d'ouverture et de clôture de l'album. Dans la chanson "The Truth" l'auteur nous questionne sur nos paroles et de nos actes, sur notre besoin perpétuel de réponses à des interrogations mystiques insolubles ("What If time's only reason Was to give us all somethin' 2 fear?"). Dans la conclusion "Welcome 2 the Dawn", il nous livre son interprétation, religieuse évidemment, que notre vie sur Terre n'est qu'un passage dont l'issue ne dépend que de notre honnêteté et notre responsabilité ("Every pieces a puzzle and every name a clue, Every charge U make is karma, So be careful what U do").

The Truth
Don't play me
Circle of Amour
3rd Eye
Dionne
Man in a uniform
Animal kingdom
The other side of the pillow
Fascination
One of your tears
Comeback
Welcome 2 the Dawn (Acoustic)


Pygmalion et ses 3 Galatée : PLECTRUMELECTRUM (3rdEyeGirl) (2014)
De mémoire de fans on n'avait jamais vu ça. Quatre ans sans sortir un album, une douloureuse première pour Prince dans une carrière débutée en 1978. Après le gentil "20ten" en 2010, prolongement en roue libre du "MPLSound" de 2009, l'Artiste a épuisé son stock de titres nostalgiques replâtrés. Il tient toujours le haut de l'affiche en Live mais il est dans l'impasse coté Studio.
Un jour il jure que l'Internet et son Youtube ne sont qu'une passade, le lendemain il peste contre la lourdeur de l'industrie musicale "traditionnelle" incapable de suivre l'instantanéité du Web. Bref, Papy Nelson débraye du carafon, mais on est habitué.

Le bout du tunnel apparaît fin 2012 lorsque l'homme dégaine une de ses pirouettes dont il est friand. Débarquent trois donzelles, fraîches comme la rosée du matin, unies sous le mystérieux nom de groupe "3rd Eye Girl". Les fans de mauvaise augure prédisent aux inconnues une destinée semblable aux autres créatures jonchant le long parcours professionnel du Pygmalion de Minneapolis : vidées de leur mojo par le Prince Vampire.
Mais au cours de l'année qui suit on constate que les forces en présence s'équilibrent, en concert le "Power Trio" revitalise méchamment le vioque, l'arrache à ses gimmicks pour qu'il se réinvente encore. Une résurrection, une de plus, spécialité de notre Roger. "PlectrumElectrum" est l'aboutissement de ce renouveau Rock.

WOW, premier titre de l'album, confirme les faits sous la forme d'une confession. Oui, Prince s'est mangé une claque aux cotés de Hannah, Donna et Ida ("I don't know what came over me // It's starting all over again"). Il nous le fait savoir en reprenant cette chanson qu'il avait composée pour une autre, Liv Warfield, donnée quelques mois auparavant sous le nom "The Unexpected". La version PlectrumElectrum est moins caressante, annonçant clairement le projet. Elle se termine sur un éclat brillamment démonstratif qui fait décoller la navette, direction le firmament.
Après cette prise d'élan prometteuse, petit ogre a faim de Rock pur. Le plat est servi saignant et sans garniture avec les trois titres suivants, "PRETZELBODYLOGIC", "AINTTURNINROUND" et "PLECTRUMELECTRUM". C'est le quart d'heure électrique qu'on espérait plus chez le Funkster. Ce bonheur évident de mettre les doigts dans la prise, besoin récurrent depuis "Bambi" jusqu'à "Dreamer", en passant par "Electric Chair" et "Zannalee". Jalonnés de solos de 6-Cordes comme des fusillades de Six-Coups, ces trois morceaux humbles et limpides replacent les envolées survoltées au cœur du sujet.
Même si la voix d'Hannah Welton-Ford est un peu forcée sur AINTTURNINROUND, le plaisir candide qu'on ressent à l'écoute fait passer la pilule. Prince fait plus que s'inspirer du trio féminin qu'il a réunit autour de lui. Le groupe participe activement à la création, les "3rdEyeGirl" sont créditées à l'écriture de tous les titres, allant jusqu'à intégrer ses propres compositions musicales comme c'est le cas de la solide instru PLECTRUMELECTRUM de Donna Grantis.

Les thèmes abordés sont assez éloignés des traditionnels prêches et chansons d'amour. "PRETZELBODYLOGIC" conte la vie d'un groupe en tournée, passée sur les tarmacs d'aéroports, constamment en décalage horaire, jouant sur un double-sens pas toujours subtil ("Cutie-pie driver said, Get inside! / Another limousine about 2 get load", vous la sentez, l'allusion graveleuse ?). "AINTTURNINROUND" est un message de motivation personnelle, résumé par le couplet "Maybe the hand UR looking 4 is at the end of your arms". On déniche d'autres éruptions guitaristiques disséminées dans le reste de la galette. L'excellent "FIXURLIFEUP", qui fut avec "Screwdriver" l'un des titres diffusés largement avant la sortie de l'album, reprend une thématique identique à "AINTTURNINROUND" : "Don't worry about what the crowd does / Just worry 'bout being good at what u love".

ANOTHERLOVE, plus calme mais véritable perle de l'album, a la trempe d'un Classique Princier. Avec ses faux airs de ballade tranquillou, l'examen des paroles indique que nous sommes en présence d'une ôde torturée à la "I hate U", l'implacable rupture jouée façon tragédie Grecque, "Je ne t'aime plus, moi aussi" agonisant dans un solo volcanique. Déjà entendu ? pour sûr ! Mais c'est une des spécialités du Maestro, ne boudons pas notre satisfaction.
Seul MARZ provoque la frustration dans sa version studio. Vu la durée du titre (1'48), on imagine que c'est une volonté du pervers pépère, qui se régale de son vilain tour lorsqu'il défouraillera la version Live de ce teaser Punk en forme de coitus interruptus.
Fort heureusement il est suivi de la reprise Rock de "FUNKNROLL", titre présent sur l'autre album "Art Official Age". Plus joyeuse que l'original, cette version Jump Jump! limite Rockabilly nous transmet sa patate, sa banane et sa pêche (ne reste plus qu'à trouver deux fruits et légumes et vous êtes paré pour la journée). Manière de conclure l'album de la meilleur façon qui soit, sur un sourire.

Entre ces vigoureux déballages, quelques respirations bienvenues viennent aérer une atmosphère chargée d'électricité. Le sympathique BOYTROUBLE (étonnant boulot sur le flow) et la petite perle STOPTHISTRAIN permettent de reprendre notre souffle, avant de se retrouver pris dans les filets de leur mélodie innocente mais entêtante.
Les plus marquantes des ballades restent WHITECAPS et TICTACTOE, anecdotiques lors des premiers rendez-vous, dont le charme agit rétroactivement pour qu'on ait envie d'y revenir, encore et encore, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive qu'on en est tombé amoureux. La séparation d'un couple, ou plus généralement la disparition d'un être cher, les "whitecaps" du titre sont les ondes formées sur l'eau comme le souvenir d'un événement douloureux qui va lentement s'atténuer, si le vent ne s'en mêle pas.
L'énigmatique TICTACTOE aborde le même sujet mais nécessite un décodage. On penche pour notre part à un petit règlement de compte avec son ex Mayte. Pourquoi remuer ses souvenirs de 15 ans d'age ? Le temps qui passe n'est qu'un concept pour Mister Nelson. Plusieurs allusions dans les paroles mènent à Mayte Garcia, avec qui Prince a carrément annulé son mariage. Sous l'apparente guimauve mélodique se cache donc une gentille vacherie.

PlectrumElectrum est le cadeau qu'on n'attendait plus de Prince. C'est pratiquement un sans-faute, du jamais vu dans un album Princier depuis "The Rainbow Children" de 2001. Le Plectrum étant le nom savant du médiator, servant à gratter les cordes des instruments de musique, et l'Electrum un alliage d'Or et d'Argent, on voit clairement le message des auteurs.
Cette démangeaison de la gratte est un missile ciblé au plexus, l'ossature basiquement Rock rafraichi par sa simplicité d'accès, chez un artiste qui a quelquefois tendance à alourdir ses compositions. Il décontenancera certainement les admirateurs et trices du versant R&B de l'artiste. Ceux-là devront s'abreuver à l'autre fontaine, "Art Official Age", d'une approche plus complexe et moderne. Pour les autres, les aficionados de Fender, PRS et autres Hohner qui rongeaient leur frein depuis 30 ans, orphelin(e)s éploré(e)s de "Let's go crazy", vous pouvez sortir les déambulateurs et les sonotones, vous êtes servi !

WOW
PRETZELBODYLOGIC
AINTTURNINROUND
PLECTRUMELECTRUM
WHITECAPS
FIXURLIFEUP
BOYTROUBLE
STOPTHISTRAIN
ANOTHERLOVE
TICTACTOE
MARZ
FUNKNROLL






IV) Face B, Remixes, Prod pour Muses & Inédits planqués dans les Internets

C'est ici que le véritable fan prend son pied ! Un fois que vous êtes accoutumé aux albums officiels de Prince vous n'avez qu'effleuré sa production. Car Prince est l'un des créateurs contemporains les plus prolifiques, consacrant son énergie à la création musicale sous toutes ses formes. Quand il n'est pas en répétition avec son groupe pour un futur concert, il enregistre en studio pour lui ou d'autres artistes. Quand il ne se produit pas sur scène quelque part sur Terre où il réinvente ses anciens hits, il organise des sessions Live dans son fief à Minneapolis lors desquelles il teste ses inédits. Quand il ne tourne pas une nouvelle vidéo pour un titre qu'il vient d'enregistrer, il balance un album entier sur Internet.
Et tout cela sans twitter sur son prochain repas végan ou instagrammer une photo de son dernier achat de bottines. C'est fou !

L'intérêt pour le fan est qu'à l'instar de toutes les Stars Prince est suivi à la trace par une cohorte d'enragé(e)s qui récupère, analyse, classe, conditionne et diffuse cette production massive. Pas une Face B rarissime ne leur est étrangère, pas un Show du bout du monde n'échappe à la captation, même le Collector le plus élitiste est répertorié, la moindre apparition publique fait l'objet d'un rapport circonstancié.
Difficile pour le profane de s'y retrouver, surtout quand on s'attaque à une carrière débutée en 1978 (et même avant, et oui !). Toutefois ce guide ne serait pas complet sans aborder le thème foisonnant des Face-B de Single, des Remixes et des chansons données sous pseudonyme. Et ce n'est que le versant légal de l'affaire.
Nous aborderons aussi le cas des Démos, Outtakes et autres inédits mystérieusement lâchés dans la nature n'ayant pas d'existence officielle et plongerons tête la première dans l'océan des innombrables enregistrements Live. Littéralement des centaines de CD et DVD. Y'a du taf boudiou !

Paradoxalement avec la démocratisation d'Internet depuis le début des années 2000 la diffusion des Bootlegs est presque plus large que celle de la prod "réglo". Et certainement beaucoup moins onéreuse.
Essayez de vous procurer un album rare en vinyle, un CD Japonais officiel de Remixes ou un Show Live des années 80, vous constaterez que c'est impossible ou bien trop cher (à moins d'être atteint de Collectionnïte aiguë et pourvu d'un porte-monnaie bien garni).
Par contre, fouinez tranquillement dans les recoins obscurs du Web et vous ne tarderez pas à découvrir moult CD et DVD pirates à portée de téléchargement gratos. Bienvenue dans le XXIe siècle.



La Prod Officielle :

On accuse souvent Prince d'être un control freak, un type incapable de déléguer le boulot et obsédé par le contrôle de son oeuvre. Par certains cotés c'est exact et c'est parfois légitime, notamment lorsqu'il défend les droits des Créateurs contre les financiers des Maisons de disques. Mais on oublie que l'artiste a sorti dans le commerce une large quantité de titres inédits, qu'il a écrit et produit des albums entiers pour d'autres artistes, qu'il a autorisé des remixes de producteurs venus de tous horizons -avec des résultats inégaux il est vrai-.

Les vrais débuts
Avant même qu'il soit connu Prince fut employé comme musicien dans un groupe de Funk de Minneapolis, 94 EAST. Il participa à l'enregistrement de certains titres et fut même crédité comme compositeur. D'habiles et avides producteurs eurent l'idée de sortir ces chansons en 1985, des instrumentaux pour la plupart, dans un CD nommé "Minneapolis Genius - The Historic 1977 Recordings".
Depuis cette production purement Funky 70's ressort régulièrement sous différentes appellations (Symbolic Beginning, One Man Jam, etc). Un document qui a surtout une valeur historique mais si vous êtes fan du style de l'époque il mérite qu'on s'y interesse, même s'il est difficile de connaître précisément l'implication de Prince.

Les titres hors-albums
Certaines des Face-B les plus marquantes sont disponibles sur le triple CD Best Of sorti en 1993, "The Hits / The B-Sides". On y trouve notamment Hello, Shockadelica, Irresistible Bitch et 17 Days, excellents titres de la période 80's, ou encore des titres décalés comme I love U in me, God, Another lonely Christmas et Girl. On y croise surtout les mythiques Erotic City, How come you don't call me anymore? et She's always in my hair, des chansons qui auraient largement mérité leur place dans un album.

Commercialisé 2 ans plus tard en 1995, le Single Gold contient l'une des dernières grandes Face B de Prince, Rock'n Roll is Alive!, titre écrit en réaction au "Rock'n Roll is dead" de Lenny Kravitz.
La même année sort une curiosité, Purple Medley, une tentative étrange de "best of" en dix minutes de tous les Hits de Prince depuis les premiers albums ! Tout un concept, comme on dit.

Plusieurs autres pépites sont planquées dans le Best Of made in Prince nommé Crystal Ball, d'abord distribué fin 1996 via le site internet officiel puis sorti dans le commerce deux ans plus tard. On y trouve de vieux bijoux royaux tels que le fameux titre Crystal Ball, odyssée Funky de 10 mns autour duquel devait s'articuler un album entier en 1987, et d'autres rescapés des 80's tels Dream Factory, Crucial ou Movie Star. On y déniche aussi des perles plus récentes, tels les énergiques Calhoun Square, Interactive, Acknoledge me ou bien encore l'inévitable hymne des Shows de l'époque, Days of Wild.

Les perles dans les albums à oublier
Le fan est un être excessif qui ne connait pas la demie-mesure, vous le savez si vous avez pris la peine de lire le présent texte dans sa totalité. Lorsqu'on adore une idole on pense détenir La Vérité Suprême : tel album est un Chef d'Oeuvre insurpassable, tel autre est une infâme merdasse indigne. C'est pourquoi certaines des productions du Prince ne sont point abordées en détail par votre dévoué, par manque de temps, d'envie ou du talent nécessaire pour en parler. D'autres ne sont pas mentionnées pour une raison hautement subjective : ce sont les albums haïs, ceux que l'on conchie pour l'éternité, les reniés qu'on n'a pas digérés parce qu'on était mal luné le jour où on les a découvert; ou tout simplement qu'on n'est pas équipé pour apprécier à leur juste valeur.
Voila donc pourquoi il n'est pas fait mention de Batman (1989), bien qu'on y trouve les géniaux Partyman, Electric Chair et Vicky waiting. Nous n'avons pas non plus évoqué les bijoux Question of you, Joy in repetition et We can funk de Graffiti Bridge (1990). Nous avons passé sous silence le mal aimé Chaos and Disorder (1996), contenant pourtant Zannalee, Same December et Right the wrong.
Par contre c'est volontairement que nous avons occulté Rave un2 the Joy Fantastic (1999) et Planet Earth (2007). Parce que là, vraiment, c'est au dessus de mes forces. Peut-être lors d'une ultime réécoute, dans 10 ans ?

Les Hits donnés à d'autres
D'autres pistes concernent les chansons écrites par Prince puis "données" à d'autres artistes et qui devinrent des hits : Nothing compares 2 U (Sinead O'Connor), Love thy will be done (Martika), Manic Monday (The Bangles), Five Women (Joe Cocker), etc. Un CD de 1998 nommé Symbolism regroupe ses reprises écrites sous pseudo par Mister Nelson.

Les plus acharné(e)s pourront plonger dans l'étude des productions entièrement contrôlées par notre homme en tant qu'auteur-compositeur-producteur. Depuis le début des années 80 Prince se planque sous des pseudos plus ou moins subtils (Jamie Starr, Joey Coco, Alexander Nevermind) et produit des albums pour ses potes et ses muses. Les assoiffé(e)s des ambiances MPLS Funk se délecteront du groupe The Time et ses imparables "Cool", "The Walk" et autres "Ice Cream Castle", et de The Family et ses renversants "High Fashion", "Mutiny" et "Nothing compares 2 U" (l’original avant la reprise par Sinead O’Connor).
Les Jazz-maniacs se jeteront sur les deux albums de Madhouse "8" et "16", écrits en collaboration avec Eric Leeds. Les ex-girlfriends ont aussi droit à cette époque à leur groupe avec leur tube assorti : Vanity 6 ("Nasty Girl") puis Apollonia 6 ("Sex Shooter"), des chanteuses et musiciennes également, Sheila E. ("A love bizarre") ou Jill Jones ("Baby you’re a trip"). D’autres échapperont au control-freak pour voler de leurs propres ailes, notamment Wendy & Lisa et leurs magnifiques albums "Fruit at the bottom" et "Eroïca".
Dans les 90’s c’est le groupe N.P.G., celui qui accompagne Prince sur scène et en studio, qui a droit à plusieurs albums très fun dans la veine Hip Hop-Funk, "GoldNigga" et "Exodus" (ce dernier faisant partie des trésors cachés du chapitre III), entièrement réalisés par Prince.
Plus récemment on a assisté à un revival des productions Princières pour des chanteuses travaillant avec lui. Les trois jeunes femmes de 3rdEyeGirl ont eu droit à un magnifique album Rock (PlectrumElectrum, chroniqué au chapitre III), ainsi qu’Andy Allo et le très bon "Superconductor" en 2012, Liv Warfield et l’excellentissime "The Unexpected" en 2014 et enfin Judith Hill et le remarquable "Back in Time" en 2015. Ces dames sont toutes des recrues de choix dans la grande famille des protégées du pygmalion.

Les chansons du Web
Le début du 21e siècle marque la fin de l'industrie musicale physique, la descente irréversible sur le tobbogan géant des ventes de CD. Le numérique prend la relève. Prince a déjà pratiqué quelques galops d'essais en 1996 avec la distribution du Best Of "Crystal Ball" depuis son site.
L'année 2001 voit le véritable essort de Prince sur Internet. Des dizaines d'inédits au format MP3 ainsi que des videos de Live et des remixes sont mis en téléchargement pour les membres du NPGMC (New Power Generation Music Club, fan club officiel).
Sur les dizaines de chansons proposées on retiendra quelques perles comme When I lay my hands on U, Supercute ou Silicon. La liste de tous les titres diffusés se trouve ici.

En 2003 le site propose de commander des albums complets en CD tels que l'excellentissime One Nite Alone (titres acoustiques au piano) ou Xpectation (Instrumentaux Jazz).
L'année suivante une refonte du site NPGMC permet d'acheter en ligne les albums récents en téléchargement, au format WMA, de The Rainbow Children à N.E.W.S. -album d'instrumentaux Jazz- en passant par Musicology ($7.77 par album pour les abonnés, $9.99 pour les autres). On trouve aussi des compiles des titres inédits diffusés sur le site en 2001 ("The Slaughterhouse" et "Chocolate Invasion"), des Live des tournées One Nite Alone et Musicology. Le plus notable étant C-Note qui regroupe cinq titres joués pendant les soundchecks du ONA Tour (4 instrumentaux jazzy et une version incroyable de "Empty Room").
Enfin des Face B "virtuelles" sont régulièrement proposés à la vente : le sympathique United States of Division par exemple. Pour les nostalgiques des titres comme Reflection (avec Wendy à la guitare, woohoo!). Culte !

Les années suivantes ont été un peu moins brillantes en matière de Net. Plusieurs sites officiels ont repris le flambeau du NPGMC, sans en atteindre la qualité. En 2009, une énième tentative a lieu avec le site Lotusflow3r.com. $77 d'abonnement pour télécharger les 3 albums Lotus Flow3r, MPLSound et Elixer, plus une vingtaine de vidéos (Clips et extraits de concerts), le site démarre fort ! On y annonce également un accès privilégié aux showcases et concerts pour les abonnés (La Cigale à Paris, par exemple). Mais après à peine un an de fonctionnement le site ferme sans explication et Prince annonce dans la presse vouloir s'éloigner du modèle actuel dominant sur Internet, fustigeant au passage iTunes et autres Youtube...

Comme d’hab avec Prince son avis change comme ses tenues de scène. Au tout début 2013 un mystérieux site fait son apparition, 3rdeyegirl.com. Des vidéos et des titres sont savamment « fuités » par le compte Youtube de 3rd Eye Girl et au fil des mois le site s’étoffe avec la vente de nouveaux titres et d’annonces de concerts. C'est ainsi qu'on découvre les brillants Screwdriver et Live Out Loud. Prince se retrouve même avec une page officielle Facebook.
Et puis comme d'hab, paf! le site en 2015, clôture du compte Facebook. Circulez, y'a rien à voir.

Versions remaniées
Coté Remixes la compilation "Ultimate Prince" (2006) a pour principal intérêt d'offrir un second CD entièrement peuplé de remixes de l'époque remasterisés. On y trouve de superbes versions longues de Thieves in the Temple, Raspberry Beret, Let's work ou Pop Life. D'autres titres Extended seront plus ardus à dénicher dans le commerce. Mais le jeu en vaut la chandelle. Il FAUT écouter I would die 4 U, America, Housequake, Alphabet St. et Eye wish U Heaven dans leur versions longues. C'est un ordre.

Le maxi-CD The Beautiful Experience (1994) fait aussi partie des indispensables. Il contient 3 remixes parfaits de The Most Beautiful Girl in the World (Staxowax, Mustang, Flutestramental). Dans un genre identique sonnant purement 90's on conseille également les 3 remixes de Space (Universal Love, Funky Stuff, Accoustic). Plus récemment les remixes de Breakfast can wait (notamment Honey et Buttermilk) sont d'heureuses surprises dans la même veine.

Sur petit et grand écran
Concluons notre visite des productions officielles avec les rares Films princiers. On commence évidemment avec Purple Rain - The Movie, chef d'oeuvre de l'an de grâce 1984. Une édition spéciale double-DVD est sortie en 2004 pour les 20 ans du film. Encore plus kitch et cultissime auprès des fans, le film Under the Cherry Moon (1986) a aussi bénéficié d'un sortie DVD. Avec sa B.O. tirée de l'album "Parade", cet Objet Filmique Non Identifié est une pure régalade pour les mordu(e)s du Roger.
Les concerts filmés se comptent sur les doigts d'une main d'Homer Simpson (ça fait 4). On retiendra l'inévitable SIGN 'O' THE TIMES, constitué à partir de shows filmés entre 1987 et 1988 et organisé comme une sorte de Live idéal. L'autre show à déguster est celui donné pour le passage à l'an 2000, RAVE UN2 THE YEAR 2000. On y retrouve des guests prestigieux tels que Lenny Kravitz, le groupe The Time ou George Clinton.
Pour la bonne bouche nous concluerons nos conseils par la cassette VHS des remixes de Gett Off. Outre le fait qu'on y découvre les incroyables Violet The Organ Grinder et Clockin' The Jizz, les obsédé(e)s pourront y admirer notre petit Roger en slip de bain avec bretelles. Poilade assurée.



La prod NON-OFFICIELLE :

Avertissement ! En lisant cette section vous pénétrez le monde obscur et intrigant du piratage discographique. Si vous souhaitez conserver vos derniers points de permis, quittez immédiatement cette page.

En Studio (aka "The Vault")
Il reste à l'heure actuelle bien des bijoux dans les coffres de Paisley Park encore jamais sortis officiellement. Wonderfull Ass, All my Dreams, Purple Music et Moonbeam Levels sont parmi mes préférés. Datant des 80's ses titres ont longtemps été accessibles seulement dans des versions pourries quasi inaudibles. Les albums comme "Crucial", constitués par les bootleggers au début des années 90 à partir de projets avortés de Prince, ouvraient des perspectives incroyables sur la face cachée de la lune Princière. D'ailleurs la mode fut lancée par l'artiste lui-même avec l'affaire du Black Album (voir le chapitre consacré à cet album, quelque part ci-dessus).
Pendant longtemps la meilleure compilation resta The Work. Elle regroupait en 4 volumes de 4 CD chacun la quasi totalité des Bootlegs Studio sur plus de 20 ans, avec des versions différentes de celles éventuellement sorties plus tard et des versions complètes de titres tronqués sur les albums officiels. C'est là que beaucoup découvrirent l'incroyable version originale de Computer Blue de plus de douze minutes.

Aujourd'hui l'accès instantané de la toile mondiale facilite grandement la récupération de ses merveilles. Comment procéder ? exactement de la même manière que lorsque vous cherchez une vidéo de cul. Remplacez simplement youporn par un moteur de recherche plus traditionnel et tout devrait bien se passer.
Outre les indispensables déjà cités (je vous ai parlé de Wonderful Ass, All my dreams et de la version longue de Computer blue ?), tapez donc ces mots magiques dans votre googlebing : 100 MPH, The Dance Electric, Extraloveable (l'original), Funky design, Chatounette Controle, Traffic Jam, Witness 4 the prosecution...

En concert
Reste à aborder le plat de résistance (!) : les Live et Aftershows. Les CD Audio et DVD Vidéo que je vous propose représentent une infime partie de ce que l'on peut trouver sur le marché "parallèle". Comme nous l'avons dit en intro il existe un enregistrement de chaque Concert, passage TV ou Aftershow donné par Prince. Il est impossible et même inutile de tout posséder.
Les "Live" sont trop nombreux pour faire un choix objectif. J'en citerai juste quelques uns dans ma collection, classés par année.

Note sur la source d'enregistrement :
La qualité sonore des enregistrements pirates des "Live" est très variable. Le meilleur son que l'on puisse obtenir est le "soundboard", c'est-à-dire enregistré directement sur la table de mixage du concert. Les bootlegs de ce type sont rares et généralement indispensables pour le grand confort d'écoute qu'ils procurent. Ensuite la qualité passe en "Audience Recording" (enregistré dans le public) et les niveaux de qualité sont variables, de VG+ (pour Very Good +) à P (pour Poor). Le VG+ est très supportable, certains le préférant même parfois à des versions Soundboard sur lesquels on n'entend pas la foule. Tout ce qui est en dessous du "Good" est à proscrire, à moins d'être un peu timbré.


AUDIO :

City Lights (1980-1987) : un coffret comprennant toutes les tournées de 1980 à 1987, donc les plus mythiques (de Dirty Mind à Sign O The Times en passant par Purple Rain). D'abord édité par Superhero Records, puis remasterisé par l'équipe Premium, une version définitive est sortie chez les célèbres Bootleggers de Sabotage (City Lights Remastered) entre 2010 et 2015.

Small Club ou The Trojan Horse (1988) : Un des bootlegs les plus fameux de Prince, un aftershow en hollande devant 400 privilégiés. Une qualité sonore exceptionnelle et beaucoup de titres inédits et de longs instrumentaux font de ce pirate un classique. La version "Trojan Horse" de Sabotage inclus en plus les répétitions pour la tournée Lovesexy.

Thunder (1992) : Meilleure qualité sonore des pirates de la tournée "Diamonds & Pearls", ce "Thunder" est le show donné à Londres. Pour les amateurs qui aiment les compositions de cette période (Édition Moonraker).

Black (1994) : Les répétitions dans les studios TV de Canal+ avant le passage de O(+> à l'émission "Nulle par ailleurs" (enregistré directement sur la table de mixage). Une heure de répét' pour un seul titre joué à NPA ! (Edition NH)

Return of the Bump Squad (1995) : Excellente qualité sonore (soundboard) et une performance très classe pour les amateurs de cette période et du groupe NPG de l'époque (Edition Moonraker).

All Access (1998) : Une compilation sur quatre CD de la tournée "New Power Soul" avec une partie européenne (essentiellement à Madrid) et une partie aux USA. Beau survol mais qualité sonore très variable suivant les dates (Edtion Thunderball).

Xenophobia 2002 Paisley Park Tapes : La semaine de "Celebration" en édition 2002, intitulée Xenophobia. Ce pirate contient TOUS les concerts donnés pendant une semaine à Paisley Park. Evidemment indispensable pour tout fan (on y trouve un concert unplugged par exemple), préférez l'édition de Sabotage sortie début 2004 en qualité sonore optimum (2 volumes de 6 CD chacun).

Prince & the NPG - ONA In Paris (2002) : La version 3 CD chez Sabotage contient le soundcheck et le concert du Zénith ! Forcément c'est un must, d'autant plus que la qualité sonore est "Audience VG".

Whole Lotta Love 4 Paris (Bataclan 2002) : la prestation du Bataclan est dantesque ! Et je ne vous parle pas de la qualité sonore (Edition Sabotage sortie en 2003), très proche d'un son "soundboard". Une référence comme pouvait l'être le "Small Club".

Footsteps 2 Fillmore (San-Francisco 2004) : une excellente qualité sonore, une performance unique, un must. Encore une production mythique chez Sabotage.

3121 Las Vegas - Jazz Cuisine Vol.4 & 5 (2006) : Les shows de Las Vegas en novembre et décembre 2006, sortis chez NewPurpleGroovez ( Records) constituent le meilleur témoignage de cette période franchement jazz.

The Indigo Chronicles - Volume 5 & 6 (2007): Les afters du Indigo Club édités par Sabotage sont une sorte de synthèse ultime du renouveau débuté en 2002 avec One Nite Alone Live!. Un groupe en liberté (surveillée ;-), pléthore de reprises et des guests à foison, on ressent une vraie décontraction et un savoir-faire hors-pair de l'hôte tout au long de la vingtaine de nuits où Prince mit Londres à ses pieds.

Montreux Jazz Festival (2009): Les deux shows de Montreux en Juillet, joués l'un après l'autre avec de nombreuses redites, mais dans l'ensemble on ne s'en lasse pas.

Days of Montreux (2013): Revoilou Prinçounet et sa team de killeuses et killers à Montreux. Une atmosphère "2 salles, 2 ambiances" avec un show Jazzy sublime puis un show Rock dantesque. Après ça on n'a plus soif pour un moment.

Trans4mation (2016): Un document pour la postérité, le tout dernier concert donné par Prince, le 14 avril 2016 à Atlanta, est aussi son plus "dépouillé". La tournée "Piano & a Microphone" était en effet basée sur un concept simple : Prince revisitant sa carrière seul sur scène avec son piano.



VIDEO :

Avant, lorsque l'Humanité émergeait de l'ère du Magnétoscope, l'amateur devait se contenter de cassettes VHS de piètre qualité, les générations de copies dégradant encore un peu plus des originaux déjà pauvres visuellement. J'ai ainsi récupéré des shows filmés datant des années 80 ou des enregistrements de passages TV pas franchement convaincants. Couleurs fades, images surexposées, son pourri, passages effacés... quelle misère !
Les années 2000 ont vues l'explosion du format DVD et avec son arrivée les bootleggers se sont fait plaisir. Les productions Ladybird valent généralement le détour, mais c'est l'équipe Fullasoul qui détient la palme en la matière. Petit rappel : ne les cherchez pas dans le commerce...

The Makings of Rain (Fullasoul / FDA / Superball) : Le premier concert où Prince joue des titres de Purple Rain, en Août 1983 au club First Avenue de Minneapolis (soit 10 mois avant la sortie de l'album !). Historique. Un document de folie pure pour n'importe quel fan, on y remarque notamment la jeune Wendy à la guitare pour sa première apparition dans le groupe.

Syracuse and the World (Fullasoul / Digital Archives) : Le concert mythique de Mars 85, en excellente qualité. Le groupe "The Revolution" mené à la baguette par un Prince alors en faîte de sa gloire. Un truc de ouf comme disait ma grand-mère.

The Undertaker -Deluxe- (Fullasoul) : un Live "scénarisé" dans les studio de Paisley Park en 1993, une curiosité avec des titres guitaristiques géniaux, dont l'inédit et impeccable "Undertaker". Distribué officiellement à très peu d'exemplaires, la version pirate de Fullasoul propose les deux versions diffusées, l'une avec des sous-titres japonais et "Dolphin" Studio, l'autre avec la version Live de "Dolphin".

Royal Visions : La collection de tous les clips de Prince, depuis 1978 et sur vingt années, sur quatre DVD.








Sources d'inspiration pour ce Guide :
Mes oreilles et mon cerveau;
Prince, A Documentary by Per Nilsen (Omnibus press);
Prince, DMSR, The First Decade (Fire Fly);
Les communautés Prince.org et Schkopi.com



EMail: nelsonox (yahoo.fr)


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