NOSTALGI'AMIGA

 

 

 

 

 

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Saga Amiga
(Attention les secousses)

 

 
   

 

Episodes

Le moyen-âge
Un long dimanche de farnientage
Le réveil de la bête
Avec le temps, va
Amigosphere
Interlude musical (Ah! Enfin!)
> Historique hystérique
Amigaming
Entrailles

Il est temps à présent de faire un point détaillé de la naissance du phénomène Amiga. Cela passe forcément par un historique de la machine, ponctué de moult anecdotes cocasses.

Si l'on interroge l'homme de la rue (ou sa femme) sur ce qui marqua l'informatique dans les années 80, on obtient le classement suivant :
1. Le Minitel
2. Le téléphone à touches (une révolution par rapport au téléphone à cadran, avouons-le)
3. Pacman (que l'homme de la rue nommera probalement le "jeu du mange-boules")

On en concluera ce qu'on voudra, mais nulle part il n'est fait mention d'IBM, de Microsoft ou d'Apple. Et encore moins d'Amstrad, d'Atari ou de Commodore. Et pourtant dans l'ombre des grands communicants Bill Gates et Steve Jobs, au coté des ingénieurs visionnaires de Xerox, HP ou Intel dans la Vallée du Sillicium, on croise des petits bonhommes plein de rêves et d'espérance. L'un d'eux s'appelait Jay Miner.

Mr Miner fut embauché au milieu des années 70 dans une société Américaine nommée Atari (fondée par Nolan Bushnell). L'une de ses premières créations en tant que Designer ne fut rien moins que l'Atari 2600, tout simplement la première console de jeu vidéo au succès (quasi-)planétaire, à la fin des 70's.
Le projet suivant du jeune ingénieur, dès 1979, est un ordinateur personel nommé Atari 400 qui passe inaperçu face à la déferlante "2600". Devant le refus d'Atari (alors revendu à Warner) d'investir dans un processeur Motorola 68000 plus puissant pour produire un nouveau micro-ordinateur supportant ses aspirations, Miner quitte la société en 1982.

Jay ne tarde pas à trouver un associé partageant les mêmes ambitions, lui aussi ex-employé d'Atari et fondateur d'une société d'édition Software reconnue (Activision), Larry Kaplan. Un groupe d'investisseurs se forme autour des deux lascars, leur but commun étant la création d'une console de jeu pouvant évoluer vers l'informatique personnelle par l'ajout de périphériques.

Nous sommes en 1983, et le fameux "crash" du marché vidéoludique frappe de plein fouet cette jeune industrie. Il faut dire que les cartouches de jeux se vendent tellement bien à l'époque que nos amis marketeux pètent les plombs. Par exemple six semaines avant la sortie du film E.T. de Steven Spielberg, ils ont l'envie soudaine d'en faire un jeu. Une merde immonde et sans intérêt sera donc développée et finalisée dans le mois et des millions de cartouches pressées... pour un résultat artistique et commercial catastrophique, évidemment.
Autre exemple parfaitement hallucinant mais pourtant symptômatique de la folie qui régnait alors, pour la sortie en grande pompe de Pacman sur sa console Atari décide de produire plus d'exemplaires de cartouches qu'il n'y a de consoles en circulation. Pour justifier son délire le responsable Marketing d'Atari prétexte que beaucoup de clients voudront acheter deux fois le jeu, un pour la maison principale et l'autre pour la résidence secondaire ! On voit donc que plus personne n'a les pieds sur terre, et le marché des consoles s'écroule en quelques mois... (âmes sensibles ne vous inquiétez pas, il renaîtra quelques temps plus tard).

Jay Miner et ses acolytes vont donc profiter de la naissance d'un nouveau marché porteur, celui de l'informatique personnelle. Les systèmes sont plus chers, mais ils s'adressent à un plus large public et rassurent les parents (les enfants vont pouvoir travailler sur l'ordinateur, en plus de jouer). La nouvelle compagnie prend le nom d'Amiga, "Amie" en espagnol, qui n'enchante pas vraiment le boss mais a le mérite de ne donner aucune indication sur les motivations du groupe et d'être placé avant Atari dans l'annuaire.

Pour masquer son vrai projet Amiga Inc produit d'abord quelques jeux vidéos ainsi que des périphériques. Par exemple le "Joyboard" Amiga, une sorte de Pèse-personne sur lequel le joueur se tient debout pour faire du ski, du skate et même de la relaxation (Oui ! vous avez bien lu, il s'agit du Wii-Fit de Nintendo avec 25 ans d'avance). Pendant qu'une équipe (très) réduite travaille sur ses sujets anecdotiques pour amuser la galerie et les sbires-espions d'IBM (toujours à l'affût de la concurrence), un staff technique complet développe une machine révolutionnaire.

Chaque ingénieur responsable d'un composant donne ses idées et motive ses choix, que ce soit pour la partie graphique ou sonore, le système d'exploitation ou l'architecture générale. Pour brouiller encore un peu plus les cartes on décide de donner des noms de code aux différents éléments principaux. Ainsi le chipset graphique prend le sobriquet de "Denise" et le processeur sonore devient "Paula". Le nom de code de l'ordinateur est "Lorraine", prénom de la femme du Co-président Dave Morse.

Des concepts inédits prennent forment lors de l'assemblage du "Lorraine", comme l'intégration du "Blitter" (une puce dédiée au déplacement d'éléments graphiques sur l'écran), du "Copper" (afficher plusieurs résolutions d'affichage différentes en même temps !) ou le mode "HAM" (Hold and Modify, modifier les propriétés d'une couleur comme sa luminosité) qui permet l'affichage de 4096 couleurs à une époque où les machines standards plafonnent à 16 (quand ce n'est pas 4). Coté Son l'équipe décide de mettre le paquet en proposant un système capable de lire des échantillons (samples) sur quatres voies.
Pour le système d'exploitation on opte pour le multitâche, quelquechose qui n'a encore jamais été proposé au grand public, avec une interface graphique très évoluée. Et, preuve de l'esprit baba cool qui planne dans les bureaux, le message indiquant un plantage de la machine n'est pas un bête "System Error" mais un poétique "Guru Meditation". Bref, Jay et ses potes ont la banane, la pêche, la niaque, la barraca... et quelques embarras.

Pour justifier des sommes englouties par les financiers dans son projet, Amiga Inc se voit imposer une date limite de présentation de sa machine au public. Ce sera le "Consumer Electronic Show" de Janvier 1984. Les semaines de 90 heures s'enchaînent pour les employés, chacun des ingénieurs mettant les bouchées triples pour finaliser le prototype qui sera dévoilé au CES. C'est le salon à la mode à l'époque aux USA, et ce depuis plus de dix ans. On y a présenté le magnétoscope en 1970, le Camescope et le lecteur CD en 1981, en clair c'est là-bas que les technologies du futur apparaissent aux Américains.

Comme on pouvait s'y attendre le prototype "Lorraine" est loin d'être finalisé, que ce soit au niveau matériel ou software. Mais là encore l'intuition et la petite touche de génie de l'équipe Amiga Inc leur fait créer une petite démonstration montrant les capacités de leur micro-ordinateur. Cette démo, nommée "Boing", est une animation montrant une balle colorée rebondissant dans un décor simpliste, projetant une ombre sur le sol et lâchant un "boing!" sonore à chaque rebond. En ces années préhistoriques l'effet est saisissant, et les machines disponibles dans le commerce (le Star Computer de Xerox à $17.000 ou le Lisa d'Apple à $10.000) sont totalement incapables de réaliser une telle prouesse.

Plusieurs grands groupes assistent à la présentation du "Lorraine", dont Sony, HP, Apple et Silicon Graphics, mais seul Atari et la société Commodore se montrent intéressés. Au terme d'enchères épiques, Commodore remporte la mise en proposant de racheter totalement la société Amiga Inc pour 24 millions de dollars.

Commodore, fondée en 1955 par Jack Tramiel, fabriquait des machines à écrire avant de produire des calculatrices dans les années 60. En 76 Tramiel se lance dans l'informatique personnelle avec le PET puis le Vic 20. Ce n'est qu'à partir de 1982 que Commodore réalise son premier coup de maître : le Commodore 64. La machine connaîtra un succès croissant (au final plus de 22 millions de C64 se sont vendus dans le monde).
Fin 83 Jack Tramiel quitte avec perte et fracas la société qu'il a créé pour rejoindre... Atari ! Plus exactement Tramiel et plusieurs ex-ingénieurs de Commodore rachète la division "Informatique" d'Atari, que Warner cède facilement après le crash du marché vidéoludique.

Cet épisode explique la compétition féroce qui va s'engager entre Commodore et Atari durant la seconde moitié des années 80, avec un Jack Tramiel bien décidé à battre son ancienne compagnie sur le marché des micro-ordinateurs.

Commodore ayant acquis Amiga Inc, Jay Miner et sa bande respirent. Financièrement à l'abri, ils peaufinent plus tranquillement leur oeuvre.
Trop tranquillement sans doute, puisque l'équipe responsable du système d'exploitation, le CAOS pour Commodore Amiga Operating System (on n'est pas loin du CHAOS ;-), prend ses aises et ne tient plus les délais. Un groupe d'étudiants de l'Université de Cambridge est appelé à la rescousse et adapte son "TripOS" qui devient AmigaOS pour intégrer la version finale du projet. Projet qui tout naturellement prend le nom définitif d'Amiga.

 

Ceci est mon processeur
Conférence de presse annonçant l’A1000 (Photo AFP)

Début 1985 l'Amiga 1000 fait son entrée officielle devant tous les employés de Commodore et quelques journalistes. Lors d'une soirée dans le grand théatre de la ville on présente la bête dans un show Sons et Lumières : des photos en 4096 couleurs et en 640x400, un traitement de texte, plusieurs démos animées, le tout tournant simultanément en multitâche sur la bécane. Un concerto au piano entièrement joué par l'Amiga 1000 s'ensuit, puis la machine fait un bref speech d'une voix monocorde, d'abord masculine puis féminine. On présente ensuite un émulateur d'IBM PC faisant tourner le tableur Lotus.

Le clou du spectacle fait intervenir Andy Warhol, célèbre Pape de la Pop-Culture (selon la formule consacrée), et Debbie Harry, chanteuse du groupe Blondie, montant sur scène pour une séquence artistique ultime. Le visage de la jolie Debbie apparait sur l'écran de l'Amiga 1000, capté par une caméra et digitalisé en monochrome. Andy utilise alors un logiciel de dessin, ProPaint (alors encore au stade de développement), pour colorier à sa manière le portrait. Une animation montrant une ballerine dansant conclut le show en apothéose.
Succès total, ne reste plus qu'à prévenir le reste du monde.

La date de lancement de l'Amiga 1000 est fixée au mois d'Août 85, au prix de $1500 (le Macintosh de l'époque coûtait $1000 de plus). Malheureusement plusieurs facteurs vont grandement mettre en danger le sort de l'Amiga. La production de la machine d'abord, concurrencée par son petit frère le C64, alors en plein essort mais faisant face à une rude guerre des prix obligeant à couper largement son prix de vente. Atari, surtout, avec Jack Tramiel qui a dégainé son "Atari ST", surgi de nulle part et concurrent surprise de l'Amiga.

En octobre 85 seule une cinquantaine d'Amiga 1000 sont sortis des usines, et aucun n'est disponible pour le public (tous sont réservés par Commodore pour faire du développement et des présentations !). Lorsque les Amiga 1000 débarquent dans les magasins fin novembre les achats des fêtes de Noël sont déjà bien entamés, Commodore loupe cette période cruciale.
De plus la machine manque cruellement d'applications, et pour comble de maladresse le marketing tente de vendre l'Amiga comme l'a fait Apple avec son Mac un an auparavent (la célébrissime pub parodiant "1984"), faisant passer l'Amiga pour une copie arrivant trop tard.

Coincé financièrement par le rachat d'Amiga Inc Commodore ne peut participer aux grands Salons électroniques l'année suivante, tels que le CES ou le COMDEX. Cette absence est remarquée, et si on ajoute les excellentes ventes de l'Atari ST, plus une certaine instabilité de l'Amiga 1000 causant des "Guru Meditation" à répétition chez les utilisateurs, la coupe est pleine.
Mais le coup de grâce intervient un peu plus tard. Un message caché par un ingénieur dans la ROM des Amiga 1000 livrés en Europe ("Amiga: born a champion. We made the Amiga, they fucked it up.") oblige les responsables de Commodore UK à rappeler plusieurs dizaines de milliers de machine pour éliminer le message "offensant" ("Amiga: né champion. Nous l'avons créé, ils l'ont niqué" !). Le management décide alors une reprise en main de ses troupes en imposant une restructuration globale de Commodore.

Cette dernière "plaisanterie" marque le départ de Jay Miner et de quelques autres des "gourous" créateurs de l'Amiga. Tous resteront cependant proche de leur machine, les uns développant des applications, d'autres des périphériques.

Un nouveau président est nommé à la tête de Commodore dès février 1986. Thomas Rattigan prend des décisions radicales mais indispensables à l'avenir de Commodore: plans de licenciements, arrêt des vieilles lignes de produits (PET et Vic 20) et des projets jugés inadéquates (le Commodore-16 et le Commodore 900 Unix). Fin 86 Commodore n'est plus dans la zone rouge. Rattigan a une vision claire pour la gamme de produit Amiga: créer un modèle "de base", peu cher, destiné à remplacer le C64 dans les foyers et un modèle "luxe" pour les hommes d'affaires et les artistes. L'Amiga 500 et l'Amiga 2000.

Cependant durant le printemps 87 Thomas Rattigan est éjecté du jour au lendemain de Commodore, à la suite d'un audit commandé par l'un des membres du conseil d'administration de la société, Irving Gould. On reproche notamment au président des délais non tenus dans la préparation de l'A500 et de l'A2000, et ainsi un matin une armée de gardes de sécurité et d'avocats empêche Rattigan d'accéder à son bureau. C'est ce qu'on appelle un pur licenciement à l'américaine ;-)

Quelques mois plus tard sort l'Amiga 500, un vrai micro-ordinateur de création, "multimédia" dix ans avant le PC, qui allait faire naître une génération de Gamers, Coders, Graphistes et Musiciens de par le monde...

 

Nota bene hyper important :
Les délicieuses et croustillantes anecdotes relatées dans ce chapitre proviennent d'un site anglais ayant publié une série d'articles sur le sujet qui nous intéresse ici. Les amateurs sachant lire l'anglais auront donc la joie de lire les textes originaux dont l'auteur s'est fortement inspiré pour écrire ce chapitre:

http://arstechnica.com/articles/culture/a-history-of-the-amiga-part-1.ars

L'auteur rappelle par ailleurs qu'il n'a demandé aucune autorisation pour réinterpréter à sa sauce et en français les informations délivrées dans l'article original. Mais diantre! après tout, nous sommes sur Internet, mon site est minuscule, Fuck la Propriété Intellectuelle !
Voila, c'est dit.

Fin
Scène d’époque: Un matin, Jay Miner rédige sa lettre de démission de Commodore

 

Dans l'épisode précédent :  

La suite de cette galvanisante aventure :

 

 

 

 

EMail: nelsonox (yahoo.fr)


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